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plaines, et elle ne jouit pas du bienfait immense de l’irrigation. Pourtant, malgré ces désavantages, la région des montagnes et des collines nourrit dans une aisance égale un plus grand nombre d’habitans que la région des plaines, et la rente de la terre est la même. La moyenne de celle-ci est à peu près partout de 100 à 110 fr. l’hectare, et quant à la densité de la population relativement à la superficie cultivée, elle est plus grande dans les provinces où domine la petite culture que dans celles où domine la grande[1]. Le genre de vie des cultivateurs est partout aussi à peu près semblable ; c’est même dans la plaine qu’on rencontre le plus de misère. Si donc nous trouvons sur le sol peu fertile des hauteurs le loyer de la terre aussi élevé et un nombre d’habitans relativement plus considérable, ne vivant pas plus mal que dans les plaines fécondes du Pô, on peut en conclure que le travail est plus productif dans la petite culture, même combinée avec le métayage, qu’il ne l’est dans la grande culture combinée avec le fermage. Il est vrai que dans le premier cas la rente se divise entre un grand nombre de propriétaires qui la dépensent modestement dans les bourgades, tandis que dans le second elle enrichit quelques maisons opulentes qui la dépensent avec éclat dans les grandes villes.

Nous avons remarqué encore que le capital agricole de la petite culture était supérieur à celui de la grande culture. En effet, dans un pays où, comme en Lombardie, le fermier n’a pas de capital roulant destiné à l’achat d’engrais commerciaux et industriels ou de machines coûteuses, la valeur de l’instrumentum fundi peut s’estimer à peu près par la valeur du bétail de toute sorte qui garnit les exploitations. Or, si nous comparons sous ce rapport les différentes provinces, nous trouverons que Sondrio comme Bergame et Brescia, pays de petite culture, l’emportent notablement sur Lodi, Pavie, Milan, Crémone, et Mantoue, pays de grande culture[2]. Dans les montagnes, le cultivateur, il est vrai, a la jouissance d’assez

  1. Si on cherche combien chaque province compte d’habitans par hectare cultivé, on arrive au résultat suivant. Pour les provinces où domine la petite culture : Côme 4,4 hab. par hect., Sondrio 3,6 hab. par hect., Bergame 2,5 hab. par hect., Brescia 1,9 hab. par hect. — Pour les provinces où domine la grande culture : Milan 4,2 hab. par hect., Lodi 2,3 hab. par bect., Pavie 2 hab. par hect., Crémone 1,8 hab. par hect., Mantoue 1,3 hab. par hect. À superficie cultivée égale, les premières de ces provinces nourrissant donc plus d’habitans que les secondes, et encore faut-il remarquer que dans celles-ci est située Milan, ville très peuplée où se dépense une assez notable partie des revenus du pays, parce que l’administration centrale et beaucoup de grandes familles y sont fixées. M. Wolowski a parfaitement montré dans la Revue même 1er août 1857 que, malgré le morcellement, ou plutôt grâce à lui, la valeur foncière avait doublé en France de 1821 à 1851.
  2. Pour les différentes provinces, voici le résultat que nous obtenons. Par chaque hectare cultivé, la valeur du bétail est de 237 lire dans la province de Sondrio, de 196 l. dans celle de Côme, de 161 l. dans celle de Lodi, de 157 l. dans celle de Pavie, de 140 l. dans celle de Milan, de 138 l. dans celle de Bergame, de 126 l. dans celle de Brescia, de 110 l. dans celle de Crémone, et de 94 l. dans celle de Mantoue.