Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 24.djvu/462

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

On connaît maintenant les forces productives du pays lombard et les différences qui naissent, dans le régime du travail agricole, de la diversité même des régions où il s’exerce, enfin le caractère des populations appelées à en vivre. Il ne sera pas inutile de soumettre ces faits sûrement établis au contrôle de la science économique, si l’on veut discerner ce que la Lombardie doit faire pour améliorer sa condition actuelle en profitant de l’indépendance qui lui est rendue.


III

Il est trois points qui en Lombardie méritent surtout de fixer l’attention de l’économiste : — d’abord les effets bons ou mauvais de la petite culture et de la petite propriété, ensuite les résultats avantageux et désavantageux du métayage, enfin l’influence de la condition des classes agricoles sur la pratique de la liberté. Examinons d’abord la première question.

Nous avons trouvé la petite culture exercée dans la région des montagnes par les propriétaires, dans la région des collines par des métayers, et dans la plaine la grande culture pratiquée par des fermiers : quel est donc l’effet de ces différentes circonstances sur la production de la richesse, sur l’accroissement de la population, enfin sur le bien-être des travailleurs agricoles ? Toutes choses égales d’ailleurs, on peut prévoir, semble-t-il, que le zèle et l’activité seront au plus haut degré chez le petit propriétaire, car tout le produit du travail agricole lui appartient ; qu’ils seront moindres chez le métayer, qui ne touche que la moitié du produit obtenu par ses soins ; enfin qu’ils seront moindres encore dans le système de la grande culture entreprise par un fermier, parce qu’alors le travail est exécuté non par le fermier lui-même, qui a un intérêt direct dans le succès de l’entreprise, mais par des ouvriers dont le salaire est fixe, et qui n’ont aucune part dans le produit. Il est vrai que si dans ce dernier cas le travail est moins intense, le riche fermier peut compenser ce désavantage par l’emploi d’un plus grand capital, comme cela se voit souvent en Angleterre ; mais il n’en est pas ainsi dans les autres pays, et notamment en Lombardie. Dans cette dernière contrée, non-seulement le travail du petit propriétaire et du petit métayer, intéressés au succès de l’exploitation, est plus productif, mais même dans les pays de petite propriété et de petite culture le capital employé à féconder la terre est plus considérable, à superficie égale. Le travail y est plus productif, avons-nous dit : qui en douterait ? Dans les montagnes, la sécurité de l’avenir que donne la propriété et la certitude de jouir de tout le produit peuvent seules faire cultiver des terres qu’aucun fermier ne voudrait reprendre. Quant à la région des collines, elle est, ainsi qu’on l’a vu, beaucoup moins fertile que celle des basses