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argent. Quant aux prestations en nature et au métayage, on ne les rencontre que dans la partie de la contrée où le système, de culture se rapproche de celui du haut pays. Il est rare que les propriétaires, si l’on excepte ceux du Mantouan, fassent eux-mêmes valoir leurs biens[1]. Les baux sont ordinairement de neuf ou douze ans. Les prix de location varient de 8 à 14 lire la pertica ; les prix de vente, de 200 à 350 lire. Les placemens en biens-fonds, qui dans la montagne donnent de 1 à 2 pour 100, sur les collines 3 pour 100, produisent dans la plaine 4 pour 100. Plus la terre est divisée, plus elle se vend cher, parce qu’il y a plus de petites bourses que de grandes. À l’ouest de l’Adda, l’irrigation ne permet d’obtenir ni plusieurs récoltes différentes dans le même champ, ni les grands troupeaux nécessaires pour la confection du fromage ; à l’est, la nature compacte du terrain exige de forts attelages de bœufs pour labourer. Toutes ces diverses circonstances empêchent la propriété de se diviser. Si l’on fractionnait une de ces grandes fermes, il faudrait aussitôt construire de vastes bâtimens dont on ne retirerait aucun intérêt, car on ne louerait pas les terres à un prix plus élevé.

Les fermiers de la Basse-Lombardie forment une classe très aisée. Il leur faut d’abord un capital considérable en bétail ; en second lieu, par cela même, le nombre des concurrens qui demandent à louer étant restreint, ils ne subissent pas au même degré que le petit cultivateur les exigences du propriétaire, et ils conservent ainsi pour eux une partie de la rente. Un fait significatif le prouve : quoique le sol soit beaucoup plus fertile dans la plaine que sur les collines, le revenu de la terre touché par le propriétaire est pourtant le même. Ces grands fermiers lombards vivent simplement, mais ils jouissent d’un large bien-être. Ils ne sont point sans instruction, et souvent ils envoient un de leurs fils à l’université pour y faire des études d’avocat ou d’ingénieur[2]. Au-dessous des fermiers, on rencontre les ouvriers agricoles, correspondant aux petits métayers du haut pays. Ces ouvriers reçoivent différens noms suivant leurs occupations, qui les placent plus ou moins haut dans la hiérarchie rurale. Il y a d’abord les famigli, qui soignent les vaches et qui reçoivent, outre la nourriture, un salaire fixe d’environ 180 lire par an ; puis viennent les cavalcanti et les bifolchi, qui dirigent les chevaux et les bœufs : leur salaire varie de 60 à 80 lire par an, avec la jouissance d’un petit jardin. Les plus malheureux sont les falciatori,

  1. On voit, dans le rapport de la chambre de commerce de Pavie pour 1852, que dans cette province 200,000 pertiche de 6 ares 54 cent. étaient cultivées par les propriétaires, 100,000 par des métayers, et le reste, soit plus de 850,000 pertiche, par des locataires, dont le nombre entre grands et petits s’élevait à 30,000.
  2. On trouvera quelques détails sur cette existence des fermiers lombards dans le récit de Mme la princesse de Belgiojoso, Rachel, Revue du 15 mai et du 1er juin 1859.