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par hectare ; au pied de ces arbres, il place de cinq à six pieds de vigne qu’il conduit jusqu’au sommet de leur tuteur, d’où il mène les flexibles sarmens à la rencontre de ceux qui s’élancent des arbres les plus voisins. Quoique très ombragé, le raisin mûrit parfaitement, il est même délicieux au goût ; mais il n’a pas ce principe liquoreux qu’acquièrent les grappes mûries près de terre, sur des ceps tenus bas, taillés avec soin et surveillés avec intelligence. Si la vigne est mal cultivée, le vin n’est pas mieux fait. Aussi a-t-on grand’peine à le conserver bon d’une vendange à l’autre[1].

Un des principaux produits de la Lombardie vient de ses vaches à lait, nourries dans les pâturages arrosés par l’eau des affluens du Pô. C’est là qu’on fabrique en grand l’excellent fromage connu partout en Europe sous le nom de parmesan, et qui porte ce nom parce que c’est aux environs de Parme qu’on a commencé à le faire. Le produit des laiteries lombardes atteint une valeur presque deux fois aussi considérable que celle du froment : elle monte à plus de 80 millions. Le parmesan deviendra, ainsi que la soie, un article très important pour le commerce génois.

Les produits que nous avons indiqués suffiraient pour expliquer la prospérité du pays ; mais celui dont la Lombardie est fière à juste titre, celui auquel chacun s’intéresse, depuis le patricien des villes jusqu’à l’humble ouvrier des champs, c’est la soie. La production de la soie a plus que doublé depuis le commencement de ce siècle, et elle augmente encore chaque jour. Le nombre des mûriers est vraiment incalculable, et avec les autres arbres qui servent de support aux vignes, ils donnent à toute la contrée, vue d’une certaine hauteur, l’aspect d’une immense forêt. Le semis et la culture des jeunes plants de mûriers forment seuls une industrie dont on peut apprécier l’importance en visitant les magnifiques pépinières qu’on trouve dans les jardins des environs de Milan. La vente des feuilles de mûrier est aussi l’objet d’un commerce très actif et très animé. Quand le ver à soie est jeune, il mange peu, et les feuilles sont à bon marché ; mais à mesure que la vorace et précieuse chenille grandit, il lui faut une nourriture de plus en plus abondante, et la valeur des feuilles augmente sans cesse. La grêle a-t-elle ravagé quelque partie du territoire, le prix s’élève aussitôt dans tous les environs, et les spéculateurs habiles peuvent réaliser de grands bénéfices. Il y a des courtiers en feuilles de mûrier qui mettent

  1. En Lombardie, on ne trouve guère de vin vieux ; il est ordinairement bu dans l’année même où il a été récolté, et déjà vers la fin de l’été il commence à s’aigrir. Le vin se partage par moitié entre le propriétaire et le métayer ; mais comme tout le marc est pour ce dernier, il y verse de l’eau, fait fermenter ce mélange et obtient du petit vin vino picolo qui lui sert de boisson habituelle.