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ces terres permet à l’agriculture de réunir les produits les plus divers dans un espace relativement borné. Le voyageur venant de la Suisse peut traverser le matin les neiges éternelles et se reposer le soir en vue d’une végétation qui rappelle les tropiques. Rien n’est comparable à la beauté sereine de ce pays. Laveno, Majolica, Bellagio, Iseo, Sermione, Toscolano, laissent à jamais leurs noms sonores et leurs aspects enchanteurs dans le souvenir de quiconque les a visités. La pureté de l’air, l’onde fraîche des lacs qui reflètent les cimes dentelées des Alpes, la douceur du climat, ont inspiré, et non sans raison, les chants de la muse antique et de la poésie moderne. Tout dans ces ravissans paysages semble disposé pour charmer les sens, et l’on peut dire sans exagération que la Haute-Lombardie est le paradis de l’Europe.

Cependant cette heureuse contrée est loin de tout devoir aux faveurs de la nature : c’est des mains de l’homme qu’elle tient en grande partie sa fertilité. Il a fallu le travail de cent générations pour élever ces terrasses qui soutiennent la terre aux flancs des montagnes, pour dessécher ces marais, pour creuser ces canaux, pour disposer avec un art admirable les conduites d’eau qui, descendant des hautes vallées, contournant les collines, s’entre-croisant et passant les unes au-dessus des autres à différens niveaux, vont porter au loin dans les campagnes une fécondité merveilleuse. Sans les endiguemens qui contiennent les rivières, une partie de la plaine serait un vaste marécage ; sans les irrigations, une autre partie serait brûlée par le soleil dévorant de l’été. Il n’est pas même permis au Lombard de jouir en paix des travaux de ses ancêtres ; il doit sans relâche se défendre contre les inondations du Pô et de ses affluens avec autant de sollicitude que le Hollandais en met à se préserver des atteintes de l’Océan.

Le climat de la Lombardie est très doux : la température moyenne est de 13 degrés centigrades ; mais les récoltes souffrent souvent des gelées tardives du printemps, produites par le voisinage des Alpes, et de grêles formidables, dont on attribue la fréquence désastreuse au déboisement des hauteurs. La grande inégalité d’altitude des différentes terres cultivées les soumet à des climats très variés. C’est ainsi que dans la Valteline, où l’on récolte encore du blé à la hauteur énorme de 1,400 mètres, la moisson se fait à la même époque qu’aux environs de Stockholm et de Drontheim. Si l’on excepte la péninsule Scandinave, l’Europe ne compte aucune région où il pleuve autant qu’en Lombardie, mais la pluie tombe toute à la fois. En automne, il pleut à torrens pendant des semaines et même pendant des mois. En été, on a des sécheresses prolongées qui nuiraient gravement à la culture, si les eaux des glaciers des Alpes, retenues