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si les souffrances ont été allégées, si l’humanité a été successivement soulagée, régénérée, améliorée, préparée à une condition meilleure, on le doit surtout à la médecine, dont l’intervention est permanente et secourable. Des fléaux destructeurs ont été par elle anéantis ; des maux hideux et terribles ont été conjurés, domptés ou détruits par de puissans spécifiques : le mercure, le quinquina, l’opium, l’inoculation d’abord, puis la vaccine, puis l’éther et le chloroforme, qui endorment la douleur, et tant d’autres bienfaits anciens et récens répondent éloquemment aux ignorans et aux déclamateurs. L’hygiène est désormais entrée dans la civilisation, et l’hygiène, partie constituante de la médecine, est effectivement un élément vital et civilisateur, un complément de la morale. La démence a trouvé des asiles et des soins éclairés, et les aliénés, que l’on considérait autrefois comme des êtres dangereux et malfaisans, ont été arrachés à un traitement irrationnel, pour ne plus être un objet de dérision. Dans les cas graves et épineux, où la vie de l’homme est en jeu ou tout au moins sa liberté, la justice s’éclaire à propos des conseils de l’art salutaire, de sorte que la médecine intervient partout, à chaque instant, efficacement pour le bien de tous. Son intervention est donc utile, et partant nécessaire. À toutes ces preuves ajoutons un fait sans réplique. Depuis la révolution, les tables de mortalité en font foi, la durée moyenne de la vie s’est augmentée de huit ans et plus, et cependant depuis la révolution le nombre des médecins s’est accru en proportion de la population, qui est plus considérable. Or il est reconnu que les améliorations introduites, d’où provient cette augmentation dans la durée moyenne de la vie, l’ont été surtout par les médecins. Sans nous laisser aller aux exagérations paradoxales de quelques rêveurs, qui promettent à l’homme une longévité impossible, nous croyons fermement que la médecine peut et doit rendre encore d’immenses services à l’humanité, d’autant que par le caractère de plus en plus scientifique, de plus en plus positif, qu’elle prend tous les jours, elle ne peut manquer de devenir encore plus active et plus efficace. Que les médecins se préoccupent donc de la science de l’organisation et de la vie, fondement de la médecine ; qu’ils méditent sur le passé de l’art ; qu’ils songent aux destinées qui l’attendent, et qu’ils se préparent ainsi au rôle qui leur appartient dans la société. Leur mission sera véritablement remplie.


J.-M. GUARDIA.