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qui, ne voyant dans ces phénomènes que fermentation, distillation, effervescence des humeurs, opère en conséquence dans ce laboratoire vivant. Plus tard, après les grandes découvertes de Galilée et de Newton, c’est la mécanique qui intervient avec ses forces et ses résultantes, ses machines et ses leviers ; après Harvey, qui démontre la circulation du sang, c’est l’hydraulique, et tour à tour la secte des iatrochimistes ou chimiatres, celle des iatromécaniciens, celle des iatromathématiciens, soumettent les lois des phénomènes de l’économie aux calculs mathématiques. Ces sectes, diverses en apparence, ont un fonds commun et plusieurs traits de ressemblance. Elles représentent toutes et constituent réellement le vrai matérialisme, tel qu’il le faut entendre en physiologie et en médecine, qui consiste à importer dans une science complexe les principes ou les idées générales d’une science plus simple ou moins compliquée. Faire intervenir dans l’explication des fonctions normales ou troublées de l’économie vivante les lois de la mécanique, de la physique et de la chimie, qui interviennent en effet, mais n’expliquent rien, c’était méconnaître l’existence dans les élémens anatomiques et les tissus végétaux et animaux de propriétés élémentaires, différentes de celles des corps bruts, et dont l’étude appartient à la biologie, science des corps organisés et vivans et des lois de l’organisation, radicalement distincte par conséquent des sciences qui ont pour sujet le monde inorganique. Il est donc vrai de dire que les médecins qui donnèrent dans ces erremens furent matérialistes au sens rigoureux du mot, de même qu’on put nommer spiritualistes ceux qui, méconnaissant aussi la constitution intime de l’organisme, et partant les propriétés irréductibles, inhérentes à la matière organisée, firent intervenir, pour expliquer certains phénomènes des entités ontologiques, des causes hypothétiques, des principes indépendans de la matière, bien qu’agissant en elle dans l’état normal ou pathologique, — êtres de raison connus successivement sous les noms d’âme, archée, esprits animaux, force ou principe vital.

Il nous a suffi de signaler les traits principaux qui distinguent et séparent nettement matérialistes et spiritualistes. La vérité n’était d’aucun côté ; mais ceux-ci, il faut le reconnaître, l’entrevirent et s’en approchèrent davantage. S’ils ne surent pas se soustraire aux influences métaphysiques et religieuses, — et il n’était pas facile d’y échapper alors, — ils firent du moins des efforts constans et énergiques pour arracher la médecine aux vues ambitieuses de ceux qui menaçaient son indépendance, et voulaient l’asservir sous prétexte de l’émanciper. C’est à cause de cette énergique attitude que l’école de l’animisme, et le vitalisme qui en émane, méritent une belle place dans l’histoire moderne de la science. Stahl a produit Barthez et Bordeu,