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furent le rôle et la condition de l’art médical dans les premiers siècles du moyen âge. On doit aux Arabes une sorte de renaissance, mais ce fut avec les premières universités que l’exercice de la médecine prit une direction déterminée et le caractère propre qu’il garde encore aujourd’hui malgré d’inévitables modifications. Une fois l’art reconstitué pour ainsi dire, les vrais médecins reparurent, et à côté d’eux leurs adversaires, beaucoup plus redoutables que ceux de l’antiquité. Ces derniers, on l’a vu, n’en voulaient qu’à la profession, et n’attaquaient guère que les hommes qui l’exerçaient sans avoir donné des preuves préalables de capacité ou de savoir. Chez les modernes, l’art lui-même fut mis en question. Ce n’est pas ici le moment d’énumérer les motifs ou les prétextes de ces attaques : ils sont nombreux, et il suffira d’en signaler quelques-uns.

Avant le moyen âge, la profession médicale était déjà en pleine décadence : en traversant cette longue période, elle déchut de plus en plus ; les traditions de la médecine grecque se perdirent et insensiblement s’effacèrent ; l’exercice de l’art devint le privilège des clercs et des moines, fort ignorans pour la plupart, ou bien encore il fut usurpé impudemment par des gens sans aveu, qui trafiquaient de leur incapacité : de là tant de pratiques superstitieuses, tant de procédés absurdes, le surnaturel à la place de l’expérience et le merveilleux au lieu du bon sens. C’était le temps des miracles et des prodiges, le temps où les sorciers rivalisaient avec les saints. Cependant la peste et la lèpre ravageaient les populations, mais les ressources contre ces fléaux destructeurs étaient nulles ou misérables. Une preuve entre mille de l’état infime et précaire où était descendu l’exercice de l’art, c’est l’importance réelle et l’influence très légitime qu’acquirent les Juifs : on les haïssait, on ne leur épargnait ni les persécutions ni les avanies ; mais on les recherchait pour leurs connaissances médicales, acquises dans le commerce des Arabes et dans leurs voyages en Orient, d’où ils rapportaient des médicamens et des drogues. Ils eurent aussi leur part, une part considérable, dans le travail de longue préparation qui aboutit à la renaissance, et leur place est marquée dans l’histoire de la médecine.

La renaissance réveilla l’esprit de libre examen. On revint à l’antiquité, et cet ancien monde fut comme un monde nouveau où les explorateurs faisaient tous les jours des découvertes. Les esprits profitèrent si bien de cette révélation, qu’ils se lassèrent d’admirer et conçurent l’idée d’aller plus loin que leurs maîtres : non pas tous cependant, car l’antiquité trouva des admirateurs exclusifs et des défenseurs fanatiques ; mais que pouvaient-ils contre l’instinct de réforme qui était partout, dans la religion aussi bien que dans la science ? Les hérétiques et les protestans n’étaient pas uniquement