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l’eau au seuil des écluses d’entrée varie entre 4m40 et 7 mètres[1]. Néanmoins, en choisissant bien leur moment et pour l’heure et pour le vent, les bâtimens de 5 mètres de tirant d’eau entreraient à toute force dans le port trois cent vingt jours dans l’année. Ils se gardent d’avoir cette hardiesse. Hors de la présence de l’ennemi, il n’y a de praticable, pour ne pas dire de permis en marine, que les choses faciles ; aussi attend-on en rade les marées des syzygies pour pénétrer dans le port, et les pertes de temps qui résultent de cet état de choses sont pour le commerce une source permanente de dommages. Ce mal n’est pas sans remède : de nombreuses et savantes études sont déjà faites, des mesures importantes sont prises pour l’atténuer. L’ouverture d’une seconde entrée serait l’amélioration la moins lente et la moins coûteuse à réaliser : elle préviendrait l’encombrement des bâtimens dans le chenal à l’arrivée et au départ, et produirait les mêmes effets qu’un prolongement de deux heures dans la durée de la hauteur d’eau nécessaire aux mouvemens du port. Aucun bâtiment ne serait plus exposé à perdre une marée de vive-eau, et condamné à en attendre le retour pendant une demi-lunaison. La nécessité de cette seconde entrée n’est contestée par personne ; mais on n’a pas encore pu s’accorder sur la place à lui donner, et il faut convenir que peu de problèmes de navigation sont plus hérissés de difficultés que celui-ci. Il y aurait beaucoup moins d’inconvénient à retarder la solution qu’à la donner mauvaise, et le proverbe hollandais : « qui fait bien fait vite, pourrait trouver ici son application.

La rade du Havre se divise en deux parties. La petite rade, rapprochée de la terre et de médiocre profondeur, sert aux bâtimens de cabotage. Ce que les étrangers appellent par courtoisie pour nous la grande rade n’est pas autre chose qu’un mouillage en pleine mer dont le fond est excellent, mais où les navires sont en butte à toute la violence des vents et des lames ; ils y jouissent de l’avantage d’être en appareillage facile quand le temps menace de devenir trop mauvais, et le grand mérite de cette station en pareil cas, c’est qu’il est toujours aisé de la quitter. L’établissement de digues qui couvrent ce mouillage n’importe pas moins à la défense de l’embouchure de la Seine contre des entreprises ennemies qu’à la sûreté des navires du commerce. Dès longtemps projetés, les travaux sont aujourd’hui

  1. Cette hauteur, au moment de l’étale de haute mer, est :
    m — cm
    En vive-eau extraordinaire
         7     00     
    En vive-eau ordinaire      6     70
    En morte-eau ordinaire      5     00
    En morte-eau extraordinaire      4     40