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bijoux, divers produits de l’industrie anglaise, et les portraits dans des cadres dorés de la reine Victoria et du prince Albert. En retour, le voyageur reçut des bœufs et plusieurs riches lambas de soie. Plusieurs fêtes lui furent encore données, et il eut l’honneur d’assister en présence de la reine à des danses sakalaves et européennes. Toutefois, malgré la faveur avec laquelle il était traité, ce fut en vain qu’il témoigna le désir de prolonger son séjour, pour ne pas regagner la contrée basse dans la saison des fièvres, après les pluies d’août et de septembre. La préoccupation constante de la cour d’Atanarive en ce moment était, malgré les assurances contraires données par le missionnaire, la crainte d’une attaque de la part de la France et de l’Angleterre, il était question de cette éventualité dans tous les entretiens des membres de la famille royale, et la princesse Rabodo disait un jour à cette occasion : « Nous ne sommes pas des rebelles ou des usurpateurs, nous sommes les descendans des anciens possesseurs de cette terre ; pourquoi ne nous laisserait-on pas en paix ? »

Conformément aux ordres de la reine, le voyageur dut donc quitter Atanarive, et ce fut au grand regret des nombreux amis qu’il s’était faits par son empressement à soigner de son mieux les malades, à mettre à leur disposition sa petite pharmacie et à manœuvrer son appareil photographique. Plusieurs d’entre eux l’accompagnèrent à une assez grande distance, et le prince lui-même voulut le conduire jusqu’au bas du plateau d’Atanarive. Ce fut le 26 septembre que M. Ellis quitta cette ville, où il avait trouvé une population aisée, intelligente, beaucoup plus policée qu’on ne le croit en Europe et que lui-même ne l’avait pensé d’abord. Dans son chemin vers Tamatave, il rencontra plusieurs étrangers qui se rendaient à la capitale : un commerçant français, M. Soumagne ; un autre de nos compatriotes, médecin à Bourbon, mandé pour la cour, et qu’accompagnaient comme aide et comme pharmacien M. l’abbé Jouan, supérieur du collège des jésuites de Bourbon, et M. l’abbé Weber. Notre voyageur s’empressa de franchir la région des marécages et des fièvres ; un petit bâtiment qui se trouvait à Tamatave l’emmena à Maurice, et au mois de mars 1857 il revit l’Angleterre.


V

M. Ellis vient de nous montrer sous un aspect nouveau ces Malgaches, que de précédens voyageurs dépeignaient uniquement comme des sauvages cruels et farouches ; il ne s’est pas borné à jeter un regard furtif le long des côtes, jugeant, ainsi que tant d’autres