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et affirma que l’Angleterre n’avait jamais changé dans ses sentimens d’affection pour Madagascar, que le ministre de sa majesté Victoria, lord Clarendon, l’avait chargé de dire à la reine qu’il ne cessait d’entretenir à son égard des intentions amicales et de porter un vif intérêt à la prospérité de son règne.

Un murmure approbateur de l’assemblée accueillit ces paroles, traduites par un interprète. La reine, se tournant vers son fils Rakotond et son neveu, le prince Rambosoalama, les entretint avec beaucoup d’animation, puis elle adressa la parole à un homme de grande taille, à tête grise, qui remplissait auprès d’elle les fonctions d’orateur, car l’étiquette exige qu’elle n’adresse directement la parole qu’à certains personnages. Celui-ci fit savoir que la reine accueillait ces témoignages d’amitié avec bienveillance, ne regardait comme ennemie aucune des nations d’outre-mer, et désirait rester en paix avec la France et l’Angleterre. Après l’échange de ces protestations amicales, le ministre principal prévint le visiteur qu’il était temps de se retirer. M. Ellis s’inclina devant la reine, puis devant le tombeau de Radama, et repartit au bruit des airs nationaux, accompagné des officiers qui l’avaient amené.

Durant cette entrevue, placé dans la cour, vis-à-vis du palais, au premier étage duquel la reine se tenait sur son balcon, M. Ellis eut tout le loisir d’examiner la fameuse Ranavalo-Mangika. C’était alors une femme de soixante-huit ans, vigoureuse, au visage énergique, le front bien fait, les traits réguliers, rien de désagréable dans la physionomie, avec un grand air de commandement. Elle était placée sous un dais écarlate et portait une couronne faite de bandes d’or, ornée d’une dent de crocodile, et avait autour du cou une dentelle d’or. Son vêtement, d’une grande simplicité, consistait dans le lamba national en satin blanc. Quatre-vingts ou cent personnes l’environnaient ; mais son fils, les princes et son orateur avaient seuls le privilège de lui adresser la parole.

Le lendemain, M. Ellis fut invité à un dîner donné au nom de la reine par un de ses ministres, mais auquel sa majesté n’assistait pas. Le service en argenterie et en porcelaines fabriquées dans le pays, à l’imitation de celles de France et d’Angleterre, était très complet ; quantité de mets européens, de confitures, de pâtisseries, y figuraient, et l’on porta des toasts à la reine et à tous les souverains d’Europe. Un combat de taureaux devait avoir lieu ensuite dans une des cours du palais ; le missionnaire refusa d’y assister. Quelques jours après eut lieu la remise des présens. M. Ellis fut prévenu de ne pas parler du télégraphe électrique, la reine ayant déjà déclaré à un de ses résidens français ne pas vouloir faire usage de cette invention. Le reste fut favorablement reçu ; c’étaient des étoffes, des