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dont le voyageur allait être honoré par la reine. Quand celle-ci jugea qu’elle était restée aussi longtemps invisible que le comportait sa dignité, elle fit prévenir officieusement M. Ellis, par un de ses amis hovas, de se préparer, dans la journée du 5 septembre, à paraître devant elle, de revêtir par conséquent son costume de cérémonie, et de se munir d’un souverain et d’un dollar. M. Ellis mit son habit noir ; mais l’ami chargé de servir d’intermédiaire ne le trouva pas assez bien vêtu. Vainement le missionnaire objecta que c’était en Europe le costume de cérémonie, l’autre demanda à voir sa garde-robe, et y découvrant une belle robe de chambre vert et pourpre, il le força à s’en revêtir. Quelques instans après arriva le billet suivant : « Sir, veuillez suivre le porteur de ce mot ; vous allez avoir une audience de sa majesté. » Le missionnaire, drapé dans sa robe somptueuse, monta en palanquin, mit pied à terre au premier poste des gardes de la reine, d’où un officier se détacha pour l’annoncer ; puis il pénétra par une porte cintrée dans une large cour, bordée de trois côtés par une ligne de soldats, et dans laquelle la reine, environnée des membres de sa famille et de ses officiers, se tenait assise au premier étage de son palais, sous le balcon de son verandah. À la vue de la souveraine, le missionnaire et ses guides, s’arrêtant, fléchirent le genou et prononcèrent le salut d’usage : Tsara, tsara, tompoko ! ce qui veut dire : c’est bien, c’est bien, souveraine ! Se tournant vers l’orient, ils firent ensuite une génuflexion devant le tombeau de Radama, petit édifice carré, en pierre, construit dans un coin de la cour, puis ils se dirigèrent vers les places qui leur étaient assignées.

Il y avait alors à Atanarive trois résidens français : M. Laborde, qui y continue les traditions de M. de Lastelle ; son fils, jeune homme de vingt ans, qui, après avoir été faire ses études en France, est venu retrouver son père à Madagascar, et un prêtre catholique, M. Fenez-Hervier, qui a obtenu de la reine l’autorisation de séjourner dans la capitale. M. Laborde et le prêtre avaient été invités à assister à la présentation, et ils se tenaient, le premier couvert d’un riche costume arabe, le second en vêtement de soie brodée, près de la place assignée au missionnaire anglais. Celui-ci était en outre entouré d’interprètes qui, après quelques avis préalables relatifs à l’étiquette, lui dirent qu’il avait la parole et l’engagèrent à parler haut. M. Ellis remercia la reine de lui avoir fait l’honneur de l’admettre en sa présence, et, après l’échange des premiers complimens, demanda la permission de lui transmettre son hasina ; en même temps il remit le souverain dont il s’était muni à un officier. La reine daigna remercier par un léger signe de tête. Ensuite le missionnaire, reprenant son discours, rappela la vieille amitié de George IV et du roi Radama,