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revêtir leurs uniformes, et portaient le costume national : pantalons écarlates et lamba blanc, bordé de cinq larges bandes de couleur. Le cortège fit halte à quelque cent mètres du palais, au balcon duquel apparaissaient, sous un grand voile écarlate, quelques figures. C’était la reine, entourée des gens du palais, qui daignait se montrer : elle fut accueillie par l’air national de Madagascar, que M. Ellis ne trouva pas désagréable. Ensuite on franchit les portes de la ville, et la longue procession se dirigea à travers la campagne. À son approche, les habitans des villages sortaient de leurs demeures, apportant les uns du riz, les autres du manioc, des fruits, des légumes, qu’ils déposaient aux pieds du prince, et que ses officiers ramassaient. C’est une offrande en nature qu’il est d’usage de présenter aux souverains sur leur passage. Enfin on atteignit Mahazoarivo. En passant sous la porte, chacun se découvrit. Cette habitation est un joli cottage bâti au bord d’une pièce d’eau, et entouré de bananiers et d’allées de vignes qui produisent, dit-on, de bons raisins. Le prince donna la main à la princesse pour descendre de son palanquin, mit le pied sur le seuil, et, se tournant, invita la compagnie à entrer. Des rafraîchissemens, consistant en confitures, biscuits, fruits, avec des plats, des couteaux et des fourchettes d’argent, étaient disposés sur une table autour de laquelle on s’assit. La princesse Rabodo est une belle femme, à peu près de la taille de son mari, et de quelques années plus âgée que lui. Ses traits sont réguliers, un peu lourds ; sa physionomie respire une grande bienveillance. Elle tenait son mouchoir à la main, comme une Parisienne dans son salon. Le missionnaire prit place à côté d’elle, et elle se plut à l’entretenir avec beaucoup d’affabilité de la reine Victoria, du prince Albert, de leurs enfans. Elle apprit avec intérêt le mariage projeté entre la princesse royale et l’héritier de Prusse. Elle demanda si la reine dansait dans son palais, et si M. Ellis lui-même avait l’habitude de danser. De son côté, le prince s’informa de la dernière guerre, de la quantité de troupes qui avaient été engagées, du nombre des morts ; il s’enquit des chances de durée que pouvait avoir la paix ; puis la musique entonna le God save the Queen, le Rule Britannia et le Grenadier’s March. La collation achevée, on se leva pour faire un tour de promenade dans le jardin. Le prince accompagnait la princesse, le secrétaire de la reine donna le bras à la fille du prince Ramonja, et M. Ellis offrit le sien à une des ladies de la reine, belle femme richement vêtue. La fête se termina par des danses ; on causa encore de la France, de l’Italie, de l’Allemagne ; puis le prince reconduisit avec beaucoup de courtoisie la princesse à son palanquin, et remonta dans le sien.

Ces visites royales et ces fêtes n’étaient que le prélude de l’entrevue