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un plateau nu de granit, élevé de trois à quatre cents pieds au-dessus du sentier qui contourne la ville, et d’où les criminels sont précipités.

Quelques jours après, le prince proposa de renouveler cette excursion ; sa femme, la princesse Rabodo, devait être de la partie, et il résolut cette fois de se montrer dans toute la magnificence de sa pompe royale. Vers midi, un officier vint prendre l’Européen pour le conduire au palais. En route, il le prévint que, comme c’était sa première entrevue officielle avec des membres de la famille royale, il convenait de leur présenter le hasina : c’est une offrande, habituellement d’un dollar, sans laquelle on n’approche pas les souverains. L’avenue conduisant à la porte du palais était encombrée de curieux ; deux officiers de rang supérieur, puis le prince et la princesse en palanquin découvert, vinrent à la rencontre de M. Ellis, qui offrit à celle-ci le hasina, puis prit sa place dans la procession, et on se mit en marche. Le but de la promenade était une maison de plaisance de feu Radama, appelée Mahazoarivo.

Le cortège ne tenait pas moins d’un mille et demi. Il s’ouvrait par une douzaine d’officiers montés sur des chevaux assez mal entretenus, mais vifs et vigoureux ; ensuite venaient quatorze palanquins, ornés de draperies de diverses couleurs, portant de hauts dignitaires et escortés des deux côtés par des cavaliers ; puis une troupe de dix-neuf musiciens, cinq clarinettes, cinq fifres, un basson, quatre cornes de buffalos, un petit tambour, un triangle, précédaient les palanquins du prince et de la princesse, auprès desquels marchaient plusieurs officiers, l’épée nue. Le grince était vêtu d’une espèce de cotte blanche ornée d’une plaque d’argent, et un large ruban de soie rouge et verte, terminé par une frange d’or, s’étalait sur sa poitrine, La princesse portait un vêtement bleu, de mode européenne, garni de velours violet, avec deux rangées de boutons d’or, un bonnet de satin œillet, orné de fleurs artificielles, un voile et une écharpe de dentelle. Son palanquin était ombragé d’une draperie écarlate, bordé de galons et de franges d’or, et à ses côtés marchaient un officier muni d’une large ombrelle de soie œillet surmontée d’une boule d’or et une douzaine de femmes esclaves drapées dans des lambas de coton bleu et blanc. Dans le palanquin suivant s’avançait une fille du prince Ramonja, jeune personne de seize ans adoptée par la princesse Rabodo, qui est fort affligée de n’avoir pas jusqu’ici d’enfans. Trois derniers palanquins portaient des serviteurs et des femmes du palais ; enfin venait la foule en habit de fête. Les officiers et leurs femmes étaient couverts de joyaux et de chaînes d’or auxquelles étaient suspendues ces petites boîtes à tabac dont il a été question à Tamatave. La plupart d’entre eux avaient eu le bon esprit de ne pas