Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 24.djvu/325

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Parvenu aux premières maisons éparses au bas du plateau, le voyageur escalada une espèce de rue large, mais inégale et raboteuse, taillée souvent dans le roc vif, et atteignit une porte de pierre qui donne sur une des places de la ville, et en dehors de laquelle étaient postés une douzaine de soldats qui présentèrent les armes aux officiers royaux. On lui fit l’honneur de le conduire jusqu’au Tampombohitra, cette acropole où se dressent, autour du palais, les habitations des grands personnages, et, après avoir traversé un dédale de rues et de ruelles dont les habitans se pressaient sur son passage avec une curiosité bienveillante, M. Ellis s’arrêta devant un enclos assez spacieux enfermant trois jolies maisons de deux étages ; alors un des officiers le prit par la main, l’introduisit dans l’intérieur et lui fit savoir que c’était la résidence qui lui était assignée par le bon vouloir de la reine. L’étage inférieur, qui devait particulièrement servir à l’habitation du missionnaire anglais, se composait de deux pièces d’inégale grandeur, recouvertes l’une et l’autre de nattes épaisses. Le lit, dressé sur quatre pieds et chargé de nattes, était, comme les fenêtres, protégé par des rideaux de mousseline blanche ; quatre chaises, un fauteuil, une table recouverte d’un tapis et munie de verres et d’un pot à eau, un miroir suspendu à la muraille, complétaient l’ameublement. Grâce à la sollicitude de l’hospitalité malgache, M. Ellis eût certainement pu se croire dans la chambre d’un petit hôtel garni européen. L’étage supérieur était réservé à ses gens, et des deux autres maisons enfermées dans l’enclos, l’une était destinée à ses bagages, l’autre était occupée par une famille hova indigène qui lui fit offrir l’entière disposition du local, ce qu’il ne fut pas nécessaire d’accepter.

Le lendemain, quatre officiers, couverts de riches lambas, vinrent, de la part de la reine, visiter le voyageur, lui apporter un présent de bœuf et de volailles, s’informer de la santé de la reine Victoria, du prince époux, de l’état de l’Europe et de la prospérité de l’Angleterre ; puis, vers le soir, ce fut le prince royal lui-même, Rakotond-Radama, qui se fit annoncer. Ce personnage, auquel les circonstances paraissent réserver un rôle décisif dans les destinées de Madagascar, est né en 1830. C’est un homme de petite stature, aux manières ouvertes et franches, le front légèrement en arrière, les cheveux d’un noir de jais, frisant à leur extrémité, le nez aquilin, la lèvre supérieure surmontée d’une moustache, la lèvre inférieure un peu épaisse. Si la photographie rapportée par M. Ellis est bien exacte, nous ne saurions trouver à la physionomie du prince autant d’intelligence que le veut le missionnaire ; il est vrai que son air de gêne et de gaucherie résulte peut-être du col droit et du costume ridicule de général européen dont il est affublé.