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cependant une visite préalable de la douane. Un Français, M. Provint, mit à la disposition de M. Ellis une jolie maison indigène, avec son grand toit triangulaire, son verandah soutenu par des colonnes de bois, ses fenêtres symétriques, et ses cloisons faites de planches bien ajustées. Cette habitation s’ouvrait sur une sorte de place qui présentait dès le matin un spectacle de grande animation. De jeunes filles esclaves, à la physionomie agréable et vive, les cheveux tressés en petites nattes ou relevés en épais bandeaux, vêtues de chemises blanches et de jupes de couleur, venaient, portant des bambous longs de sept à huit pieds, chercher de l’eau à un puits protégé par une margelle de bois. Elles puisaient le liquide avec de larges cornes de bœuf, et repartaient avec leurs singuliers vases en équilibre sur chaque épaule.

Le missionnaire fut traité avec une extrême bienveillance. Ses anciennes connaissances se rappelaient à son souvenir par des présens de gibier et de volaille ; chacun témoignait du plaisir de le revoir, et, peu de jours après son débarquement, il fut convié avec les autres résidens étrangers à un grand repas donné à l’occasion de l’une des principales fêtes de Madagascar, le renouvellement de l’année, qui est fixé dans l’île au solstice de juin. Dès le 24, tous les travaux cessèrent ; les chefs et les officiers de Tamatave, en grand costume, chacun accompagné de sa suite, se faisaient porter en palanquin chez le gouverneur pour lui rendre leurs devoirs. Le peuple avait revêtu ses habits de grande fête ; les hommes en lambas blancs, les femmes en jupes de couleur, leurs cheveux noirs tressés en quantité de boucles et de nœuds, ce qui donne à leur physionomie quelque chose d’un peu raide, s’en allaient par groupes de famille visiter leur parens et leurs amis, comme on fait en Europe. Vers le soir, toute la population se mit à se baigner, puis des milliers de torches de sapin s’allumèrent dans toutes les directions, à un signal donné, disait-on, de la capitale. Le souverain allume le premier feu, de proche en proche chacun l’imite, et une illumination immense couvre l’île entière. Le lendemain, on échangeait des présens. M. Ellis ne fut pas oublié ; il eut pour sa part quantité de volailles et un quartier de bœuf entier, avec la peau et les poils, qui lui était porté de la part des autorités. Enfin, quelques jours après, eut lieu le repas qui devait terminer les fêtes. Les résidens étrangers et les fonctionnaires les plus élevés, vingt convives en tout, hommes et femmes, car celles-ci ne sont pas séquestrées, avaient été invités à la table du gouverneur ; mais comme celui-ci continuait d’être malade, le chef-juge, père des grandes pensées, avec lequel nous avons fait précédemment connaissance, fut appelé à remplir à sa place les fonctions de maréchal ou président du festin. À cinq