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vient d’être rouvert, détruisent-ils encore des propriétés d’Européens ? »

Peu de temps après, en signe d’une entière bonne intelligence, l’autorisation vint de faire enlever et d’enterrer les ossemens anglais et français qui blanchissaient devant Tamatave. Ce furent les Français de Sainte-Marie, prévenus les premiers, qui eurent le mérite d’enlever ce hideux trophée et de rendre à nos compatriotes les honneurs tardifs de la sépulture. Voyant les circonstances si favorables, M. Ellis fit les préparatifs de son second voyage, et envoya en mai 1854 une lettre aux autorités d’Atanarive pour les informer de l’intention dans laquelle il était de se rendre à Tamatave et demander l’autorisation de visiter la capitale. Sur ces entrefaites, une grande calamité s’était abattue sur Maurice : deux bâtimens transportant de l’Inde des coolies avaient apporté avec eux le choléra. Favorisé par de brusques changemens de température, il fit un nombre de victimes considérable ; souvent le chiffre en dépassait cent par jour. Le tiers de la population avait quitté Port-Louis ; tous les véhicules avaient été mis en réquisition par la municipalité pour le transport des cadavres ; les magasins, les boutiques, à l’exception de celles des droguistes et des pharmaciens, étaient fermées ; les journaux paraissaient imprimés seulement sur une page qui tout entière était consacrée à donner les noms des principales victimes et à indiquer des remèdes ; les églises chrétiennes ne cessaient d’implorer la miséricorde divine, et l’on voyait en longues processions les Indiens et les Chinois porter de l’encens et des offrandes à leurs idoles. Un fait très remarquable, c’est que le fléau épargna presque complètement ces Asiatiques. Cependant ils étaient nombreux, entassés, dans de mauvaises conditions de propreté et d’hygiène. Les créoles comme les Européens tombèrent par centaines.

Ce fut au commencement de juin, dans un moment où le fléau semblait vouloir sévir avec moins de rigueur, que le missionnaire quitta de nouveau Maurice pour Madagascar.


III

Quand le bâtiment qui portait le voyageur arriva en vue de Tamatave, un employé monta à bord, s’enquit de l’état sanitaire de l’équipage, et signifia que jusqu’à nouvel ordre il fallait rester en quarantaine. Au bout de huit jours, lorsqu’il fut bien constaté qu’aucun symptôme de choléra n’existait à bord, les communications avec la terre furent autorisées, et le missionnaire eut la permission, que la première fois il n’avait pas obtenue, de débarquer son bagage, après