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au commerce, et se plaignaient de ce que le riz et le bétail étaient tombés à vil prix par suite de l’interruption des relations extérieures. Les Américains avaient hérité du commerce anglais et français ; mais le chiffre de leurs affaires était insuffisant, parce que les États-Unis fournissent en abondance les mêmes produits que l’île.

Toute la population de cette côte, vainqueurs et vaincus, semble intelligente et industrieuse ; il n’est pas rare de voir des indigènes parlant l’anglais ou le français ; la plupart aiment à s’entretenir de l’Europe et de l’Amérique ; quelques-uns déplorent l’expulsion des missionnaires, la fermeture des écoles et la proscription du christianisme, que Ranavalo a essayé d’étouffer dans le sang, ce qui n’empêche cependant pas son fils, le prince royal, Rakotond-Radama, de témoigner un grand penchant pour cette religion. Les découvertes modernes, les notions scientifiques, ne sont pas sans attrait pour ces hommes encore primitifs, et un des amis indigènes de M. Ellis rendit à l’histoire naturelle un service signalé en aidant le voyageur à se procurer un échantillon de l’ouvirandra fenestralis, autrement appelée plante à treillis et feuille à dentelle.

Cette plante, qui est particulière à Madagascar, où elle ne croît qu’en certains lieux, n’était guère connue encore que par des dessins. M. Ellis, qui est un amateur passionné d’histoire naturelle, avait inscrit ce desideratum sur son programme, et comptait bien rapporter au moins comme bénéfice de son expédition quelque spécimen du rare végétal. À peine eut-il mis le pied sur le sol malgache qu’il s’enquit de la plante, présentant aux indigènes un dessin qu’il avait copié sur les planches jointes à la relation de l’amiral Dupetit-Thouars ; mais les uns ne l’avaient jamais vue, les autres prétendaient qu’elle croît dans des lieux inaccessibles. Enfin un des hôtes du missionnaire mit à sa disposition un indigène qui, après quelques jours de recherches, vint annoncer qu’il avait trouvé l’ouvirandra sur un petit cours d’eau, mais que les crocodiles étaient en ce lieu si abondans qu’il y aurait grand danger à l’aller quérir. Ce ne pouvait pas être là un obstacle sérieux, et peu après M. Ellis avait en sa possession le plant tant désiré. C’est une racine aquatique large de deux doigts, enfermée dans un petit sac brunâtre, et dont la substance blanche et charnue peut donner, rôtie, un bon aliment. Elle projette dans toutes les directions, à fleur d’eau, ses feuilles gracieuses et légères, longues de neuf à dix pouces, découpées comme une dentelle et passant, selon le degré de leur croissance, par toutes les nuances, depuis le jaune pâle jusqu’au vert foncé. Sur l’eau, l’ouvirandra forme un cercle de deux à trois pieds de diamètre, fermé par des feuilles d’un vert olive, tout rempli de feuilles diverses de grandeur et d’éclat, et d’où s’échappent des tiges flexibles terminées