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des dettes dont il ne peut jamais se libérer, et la vieillesse, qui ne lui permet plus de gagner sa vie. Si tous les travailleurs appartenaient aux sociétés qui leur assurent des secours quand ils sont malades et une pension quand l’âge a brisé leurs forces, ils ne seraient exposés à la misère que par suite de circonstances exceptionnelles, car l’intérêt composé des dépôts élèverait les secours en temps de maladie et même pendant les chômages, comme on le voit aujourd’hui dans beaucoup de sociétés anglaises, à un chiffre équivalant au salaire, ou du moins suffisant pour faire vivre la famille. Le prolétariat, dernier vestige de la servitude, cesserait. La classe ouvrière existerait par elle-même ; elle aurait une condition indépendante, plus indépendante que celle du fonctionnaire, dont l’existence, dépendant d’une protection précaire, est souvent à la merci d’une intrigue.

La loi du 20 juillet 1850 favorise la création des sociétés de secours mutuels, garanties d’ordre et de stabilité ; mais par cela même que leurs progrès importent au gouvernement, l’initiative de celui-ci pourrait devenir suspecte et finir par jeter du discrédit sur ces institutions. Qui donc doit se charger du soin de les accroître et de les multiplier ? Les institutions charitables. Il faut que les sociétés de bienfaisance et les sociétés de secours mutuels se concertent pour démontrer à l’ouvrier la nécessité de l’association et pour lui en faciliter l’accès. La propagande doit se faire surtout par les associés eux-mêmes, intéressés à augmenter le fonds social et les dividendes. Quand chacun sera en état de comparer les ressources et la sécurité des pères de famille, membres de la société de secours mutuels, avec les privations des opiniâtres, restés dans l’isolement, le nombre de ces derniers diminuera tous les jours, et l’association deviendra pour les adultes une pratique aussi générale que l’est aujourd’hui pour les enfans la fréquentation de l’école primaire. Dans les centres de population trop peu importons pour assurer à l’association des résultats satisfaisans, il faudra imiter le procédé anglais et former des syndicats de communes. Si cet humble avis paraît donner jour à quelque application utile, qu’on se mette à l’œuvre, et dans quelques années nous pourrons dire avec plus de certitude qu’on ne le disait il y a peu de mois chez nos voisins : « Le paupérisme a diminué. »


L. DAVESIES DE PONTES.