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II

« Les peines édictées contre le vagabondage, dit le docteur Burn dans une Histoire des Lois des Pauvres, publiée en 1764, avaient été, jusqu’à la fin du règne de la reine Anne, dignes des sauvages de l’Amérique. » Le gouvernement de la maison de Hanovre se signala par un adoucissement de cette pénalité : elle fut remplacée par des châtimens moins inhumains, bien qu’empreints encore d’une certaine cruauté, car si l’on déportait les rogues incorrigibles au lieu de les mettre à mort, on fouettait encore sur la place publique les femmes vagabondes. L’Angleterre jouissait alors d’une prospérité qu’elle n’avait jamais connue. À la fin de la guerre de sept ans, en 1762, elle avait ajouté à ses possessions Minorque, les deux Canadas, le Cap-Breton, la Louisiane, la Nouvelle-Ecosse et la Floride. Cinq ans auparavant, elle avait conquis le Bengale. À l’intérieur, la liberté industrielle succédait au régime des corporations, les salaires s’élevaient, la fortune publique se ressentait des progrès de l’agriculture et du commerce. Cependant le paupérisme prenait toujours un accroissement proportionnel à la population. Un statut de George III confia à cinq nobles et gentlemen de chaque paroisse la surveillance des enfans nés dans le workhouse et élevés à la campagne ; la société de marine fut fondée en 1770, pour mettre au service de la flotte les orphelins arrachés aux vices et à la misère de la capitale. Enfin le baron Maseres, d’une famille française apparemment, et qui connaissait sans doute la société de secours mutuels de Sainte-Anne, existant à Paris depuis l’an 1694, présenta un projet de tontine paroissiale qui devait dédommager les travailleurs des avantages dont les privait l’abolition des guildes industrielles. C’est l’idée principale de ce plan (adopté par les communes, mais repoussé par la chambre des lords en 1772) qui fut réalisée en 1817 par la création des sociétés de secours mutuels, si nombreuses à présent, et par l’institution des caisses d’épargne. Les calculs du baron Maseres servent même encore aujourd’hui de base aux assurances sur la vie.

Cependant les huit années de la guerre d’Amérique, en augmentant encore la taxe des pauvres, la portèrent en 1784 à plus de 2 millions de livres, somme cinq ou six fois plus considérable que le total de toutes les autres taxes de paroisse et de comté. Indépendamment du produit de cet impôt, les indigens recevaient des dons volontaires dont les pasteurs et les marguilliers furent tenus de présenter des états, et dont le montant en rentes et en revenus fonciers s’élevait en 1790 à plus d’un million de livres sterling, sans compter