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jour, miss Prissy vient chercher mistress Scudder et l’emmène en toute hâte à la Maison-Blanche, où Ellen Marvyn est en proie au désespoir. Mary devine la triste vérité : James est mort. En effet, un matelot vient d’arriver à Newport ; il faisait partie de l’équipage de la Mousson ; le navire a été brisé par la tempête, lui seul a été sauvé par un miracle qu’il ne s’explique pas. Cette nouvelle est un coup de foudre pour toute la famille ; Ellen Marvyn en fait une longue maladie ; Mary en est anéantie. La pauvre enfant cherche un refuge dans la prière, puis peu à peu un calme apparent se rétablit dans son cœur. Elle redouble d’attentions et de petits soins pour sa mère, pour le docteur, pour tous ceux qui l’entourent ; elle multiplie les actes de charité ; elle devient de plus en plus une sainte sur la terre. Pourtant cette égalité d’âme est quelquefois troublée. Tantôt, en ouvrant un livre, elle y trouve une marque mise par James ou quelques lignes de lui ; tantôt un des petits présens qu’il lui a faits s’offre inopinément à sa vue au fond d’un tiroir. La blessure saigne immédiatement, et pour retrouver le repos il faut à la pauvre fille un acte de dévouement ou un sacrifice à accomplir. Ceux qui reçoivent ses bienfaits et qui la voient calme et souriante, avec une larme pourtant dans les yeux, ne se doutent guère des sanglots qu’elle vient d’étouffer.

Une année et demie s’écoule : une pâleur persistante et un lent amaigrissement sont les seules traces que la douleur ait laissées chez Mary. Mistress Scudder, qui a suivi attentivement toutes les luttes de ce cœur blessé, s’est reposée sur l’action du temps et de la foi chrétienne pour fermer la plaie. Quand elle croit sa fille complètement résignée, elle commence à lui parler de la nécessité de s’assurer un appui dans ce monde. Mary se révolte d’abord à l’idée d’un mariage, mais mistress Scudder insiste sur les avantages d’une union qui sera une sécurité pour sa vieillesse, qui ajoutera à son bonheur, et qui récompensera le dévouement du plus fidèle ami, du meilleur des hommes. Mary n’hésite plus : puisque ce mariage doit rendre heureux les deux êtres qu’elle affectionne et qu’elle vénère le plus au monde, qu’il s’accomplisse. Ce consentement obtenu, mistress Scudder presse les apprêts du mariage. Les voisins sont instruits de la grande nouvelle ; le docteur est si bon, il jouit d’une telle estime, que tout le monde applaudit à son bonheur. Candace elle-même, en essuyant une larme, reconnaît que c’est maintenant le seul époux digne de Mary.

Les jeunes filles du pays sont venues, suivant l’usage, décorer le couvre-pied de la mariée ; miss Prissy a terminé la robe de noce, et le mariage a lieu dans trois jours. Mais, si de toute éternité les astres décrivent incessamment le même cours, une loi plus immuable encore que celle qui régit les corps célestes veut qu’un amant aimé