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II

Le cacao, considéré comme objet de commerce, n’a pas été à l’abri des vicissitudes qui ont frappé tant de fois les planteurs livrés aux simples travaux de culture. On a dit déjà que les Espagnols avaient négligé ce produit pour se consacrer de préférence à l’exploitation des métaux précieux dans une contrée dont ils s’étaient rendus maîtres. Plus tard, lorsque d’autres nations, mieux avisées, s’emparèrent de cette nouvelle branche de commerce maritime, l’Espagne jalouse prohiba l’exportation pour tout autre point que la métropole : vaine mesure qui n’arrêta que momentanément l’essor de ce commerce. Bientôt la plus grande partie des cacaos caraques, détournés de leur destination légale, furent entreposés dans la capitale de la Hollande, et les Espagnols, dans les premières années du XVIIIe siècle, ne virent plus arriver un seul chargement direct de Caracas ; ils furent contraints d’acheter à des prix exorbitans les produits de leurs propres colonies. Ce fut alors, en 1718, que Philippe V octroya le droit exclusif du commerce avec Caracas et Cumana à la compagnie dite de Guipuscoa et des Caraques, sous la condition d’anéantir les exportations frauduleuses. Cette compagnie, exploitant avec intelligence et beaucoup d’activité son privilège, ramena les choses vers leur état normal, et la culture du cacaoyer fit ainsi de nouveaux progrès dans le Venezuela.

On sait comment cette culture, introduite en 1780 dans les colonies françaises, y fut entravée par des droits exagérés, puis encouragée de nouveau grâce à des mesures plus libérales. Le commerce national et étranger traversa les mêmes fluctuations jusqu’au moment où les avantages mieux appréciés de l’introduction du chocolat dans le régime alimentaire amenèrent un, développement remarquable de la consommation, en dépit des droits considérables que supporte encore la matière première de cette utile industrie, et malgré certaines falsifications qu’il serait aisé de faire disparaître. En jetant un coup d’œil sur les importations durant trois périodes décennales, nous pourrons aisément constater les progrès du commerce, de la fabrication et de la consommation générale. Pendant la première période, de 1827 à 1836, le commerce général de la France avec ses colonies et les nations étrangères avait importé chez nous 1,998,703 kilos de cacaos de diverses origines ; les importations semblables se sont élevées, année moyenne, de 1837 à 1846, à 2,606,353 kilos ; l’augmentation était de près de 50 pour 100. Pendant la période suivante, de 1847 à 1856, l’accroissement ne fut pas