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de cacao, et on y réussit sans trop de peine. Une sage mesure, qui sans doute n’aurait pas moins d’opportunité aujourd’hui et qui aurait de plus larges conséquences, vint ranimer la culture des cacaoyers, encouragée par l’édit royal qui réduisait à 10 centimes par livre les droits d’entrée sur les produits de cette culture dans les colonies françaises. Dès l’année 1775, la Martinique exploitait 1,400,000 pieds de cacaoyers et pouvait suffire à la consommation de la France en réunissant ses produits à ceux de l’île de Saint-Domingue, dont les vallées chaudes et humides offraient un terrain des plus favorables à la production du cacao[1]. Les plantations de Saint-Domingue furent malheureusement à leur tour dévastées par un terrible ouragan qui anéantit pour longtemps la production du cacao dans cette île.

Une culture soumise à de telles vicissitudes devait peu à peu lasser la patience des planteurs : c’est ce qui arriva, et les cacaoyers furent négligés pour les cannes à sucre, moins assujetties aux influences désastreuses des ouragans. Les cannes envahirent ainsi aux Antilles la plus grande partie des terres cultivables, de celles même où des abris naturels auraient favorisé le développement des cacaoyers. On peut dire que généralement dans ces îles les terrains encore consacrés à la culture de l’arbre à cacao sont ceux qui ne pourraient économiquement produire des cannes à sucre. Ajoutons que les soins insuffisans apportés à la récolte, à la préparation comme à la conservation et à l’expédition des produits, expliquent en grande partie la défaveur qui s’attache dans les transactions commerciales aux cacaos des îles[2].

Y a-t-il quelques moyens de rendre à la culture du cacao dans nos colonies son ancienne prospérité ? Des exemples pris dans les possessions étrangères permettent d’aborder une telle recherche avec confiance. Il est à remarquer avant tout que le champ de -cette culture peut facilement s’étendre. Deux de nos colonies, la Guadeloupe et la Guyane, sont appelées à prendre une part avantageuse aux progrès de la production du cacao. Autrefois désignée sous

  1. On sait que le traité de Ryswyk avait partagé entre les Français et les Espagnols cette grande île, découverte par Colomb le 6 décembre 1492. L’émulation féconde qui n’avait pas tardé à se développer entre les deux populations avait, été l’une des causes de la prospérité, aujourd’hui si compromise, de Saint-Domingue.
  2. Les mêmes circonstances ont amené, partout ailleurs que dans nos colonies, de semblables résultats, c’est-à-dire des cultures alternativement prospères, puis abandonnées, reprises encore, négligées ensuite. Nous citerons seulement les colonies de la Jamaïque et de Sainte-Lucie. La Dominique, entrecoupée d’un grand nombre de cours d’eau, est une des Antilles où la production du cacao rencontre encore les plus favorables conditions de succès. À la Trinité aussi, les Anglais comptent des plantations florissantes établies après l’année désastreuse de 1727, où la rigoureuse persistance des vents du nord fit périr le plus grand nombre des cacaoyers.