poitrine[1]. Après que chaque couple a exécuté ainsi la sentence biblique, on se retire pour revenir le soir. La synagogue est alors magnifiquement illuminée. Les hommes ont apporté la tunique de lin qui leur servira de linceul, et que tout bon Israélite prépare longtemps à l’avance. Ils revêtent à l’office cette tunique, leur futur habit de mort, et cachent leur tête sous les plis du saint taleth[2]. Ainsi feront-ils le lendemain durant tout le jour. Pendant trois heures, les prières se succèdent, le chantre et les fidèles se répondent à haute voix. La nuit est complètement close quand on se sépare.
Un mot encore sur cette nuit, veille du kippour, nuit mystérieuse entre toutes, où souvent l’on a vu s’accomplir d’étranges événemens. C’est durant cette nuit, longtemps après que les fidèles sont rentrés dans leurs demeures, que les morts viennent à leur tour processionnellement à la synagogue. Revêtus de leurs linceuls, les défunts habitans de la communauté adressent leurs prières au dieu d’Israël. À un moment donné, vers minuit ordinairement, et sans qu’on les entende ni remuer ni marcher, ils s’avancent, à la lueur de la lampe perpétuelle, vers le tabernacle. Ils l’ouvrent, en retirent un rouleau de la thora, et le portent sur l’estrade sacrée. Alors l’un d’entre eux se met à lire dans la thora les différens paragraphes du chapitre que le lendemain même, jour de kippour, le hazan de la communauté lira aux fidèles. Avant la lecture de chaque paragraphe, le hazan des morts prononce le nom d’un des membres actuels de la communauté. Et malheur à celui des vivans dont le nom aura été prononcé cette nuit dans l’assemblée funèbre ! Les habitans de Fegersheim racontent encore que la veille du kippour de l’année 1780, rebb Salmé Baumblatt, sonneur de schophar dans ce village, revenait de chez sa fille, récemment accouchée et malade ; il s’était attardé. Or pour regagner sa maison il lui fallut passer devant la synagogue. Il était près de minuit au moment où il tourna l’angle de l’édifice sacré. Soudain il entendit très distinctement ces mots : Salmé Baumblatt ! Il frissonna, puis il ajouta avec calme : « Déjà ? » — « Sorlé, dit-il à sa femme quand il fut de retour chez lui, il est inutile que demain soir, après le kippour, tu serres mon kittel (linceul), car avant qu’il soit peu j’en aurai besoin. » L’incrédule Sorlé se mit à rire. « Ris tant que tu voudras, répliqua son mari, je sais ce que je dis. » Hélas ! le rire de la pauvre femme se changea bien vite en pleurs, car trois jours après cet entretien on porta Salmé Baumblatt au cimetière de Fegersheim.
Mais le jour vient mettre un terme à cette fête des morts, et ramène