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particulières et moins étroitement liées à telle nature de terrain, à telle disposition des lieux. De ces animaux dont l’organisation est souple et l’alimentation presque omnivore, il est difficile de déterminer la véritable patrie ; le cosmopolitisme est tellement dans leur nature, qu’on ne saurait dire quelle est la contrée la plus propre à leur développement. La difficulté disparaît pour les espèces dont l’aire est très bornée, dont le rayonnement s’est arrêté à de faibles distances. Leurs régions originelles sont nettement tracées, et ils sont fort propres à caractériser les différentes zones zoologiques. Ainsi tandis que le faucon pèlerin promène son vol hardi au-dessus de toutes les terres, que les dauphins et les marsouins folâtrent à la surface de toutes les mers, que le papillon appelé vanessa cardui se retrouve à la fois dans l’Europe méridionale, la Barbarie, le Chili et l’Australie, le condor et le lama ne quittent pas les hauteurs des Andes, l’ornithorhynque, le plus bizarre peut-être de tous les animaux, reste confiné en Australie ; un grand nombre d’espèces dans la classe des reptiles ont des aires extrêmement circonscrites, et ce sont peut-être ces animaux qui se prêtent le mieux à la détermination des provinces zoologiques.

Les espèces marines étant soumises à moins d’influences que les animaux terrestres, en raison du milieu qu’elles habitent, leur distribution est naturellement plus simple ; elle ne présente guère ces anomalies qui dérangent si souvent sur la carte la régularité d’une faune. Séjournant presque toujours dans les eaux, les cétacés, les reptiles marins, les poissons, les mollusques, les zoophytes échappent à l’action hygrométrique de l’air, aux mille modifications du climat. Quoique encore variable, la température est cependant plus uniforme au sein des mers ; les animaux marins ne sont pas obligés de se cantonner dans de petits espaces, au risque de mourir de froid, de chaud ou de faim. L’Océan est comme une grande plaine liquide, il a toute l’uniformité de la steppe ou du désert ; aussi la température générale de la zone à laquelle une mer appartient, la nature du fond, voilà à peu près les seules causes qui règlent la distribution des animaux marins. Les coquilles et les poissons changent d’aspect suivant les latitudes et les profondeurs ; les espèces qui fréquentent les côtes basses et les bancs sous-marins diffèrent des animaux qu’on pêche dans la haute mer, à la même profondeur ; la froidure des eaux suffit à elle seule pour expliquer la diversité des faunes maritimes en apparence placées dans les mêmes conditions. La côte occidentale de l’Amérique n’a pas d’affinité zoologique avec les îles de la mer Pacifique, parce que la température des eaux y est tout à fait différente.

Les courans venus des tropiques réchauffent dans certaines directions