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placés dans des conditions différentes. Ce sacrifice, tout considérable qu’il était, ne suffit pas néanmoins pour détruire immédiatement l’effet des manœuvres de l’Autriche. La Saxe et la Bavière mirent une grande insistance à demander qu’avant de procéder à ces réformes de tarif, on s’entendît avec le cabinet de Vienne pour constituer l’union austro-allemande d’après les bases indiquées par M. de Bruck. La Prusse résista, et elle eut beaucoup de peine à éloigner ce spectre de l’Autriche, qui apparaissait pour la première fois, introduit officiellement, dans une conférence du Zollverein. Après de longs tiraillemens, on était à la veille de s’accorder, lorsque survinrent les troubles de Cassel. On se sépara sans rien conclure. Convoquée de nouveau à Wiesbaden au commencement de 1851, l’assemblée vit, non sans surprise, que la Prusse avait apporté de notables changemens à ses propositions de l’année précédente ; les dégrèvemens de droits sur les matières premières étaient maintenus, mais les aggravations sur les fils et tissus avaient disparu du projet de tarif ; les concessions offertes au parti protectioniste semblaient abandonnées ou tout au moins ajournées. La conférence vota les propositions de la Prusse, qui, considérées isolément, ne pouvaient soulever aucune objection ; mais les états du midi reprirent leur attitude mécontente et se virent rejetés vers le cabinet de Vienne, qui observait avec la plus vive sollicitude toutes ces évolutions. Il y avait dans la politique de la Prusse un complet revirement. Le mystère ne tarda pas à se dévoiler.

Jugeant, d’après les délibérations de Cassel, que les états méridionaux ne se laisseraient pas facilement désarmer par de simples mesures de tarif, et qu’ils lutteraient jusqu’au bout pour la cause de l’Autriche, le cabinet de Berlin avait résolument changé de tactique et porté ses regards du côté du nord, où il comptait, grâce à une plus grande similitude d’intérêts, recruter des alliés plus fidèles. On a vu qu’en 1842 il était entré en négociations avec le Hanovre pour opérer la fusion du Zollverein et du Steuerverein ; ces négociations n’avaient pas abouti, et tous les partisans de l’unité allemande s’étaient fortement émus d’un échec qui détruisait, au point de vue politique comme sous le rapport commercial, l’une de leurs plus chères espérances. Depuis cette époque, le Steuerverein avait vécu de sa vie propre, avec une population de deux millions d’âmes, avec une agriculture florissante, avec toutes les ressources qu’offrait à son commerce un littoral maritime que les états du Zollverein ne cessaient de lui envier. Si, plus heureuse dans une seconde tentative, la Prusse réussissait à obtenir l’accession du Hanovre et de ses deux associés, l’Oldenbourg et le duché de Schaumbourg-Lippe, elle pouvait du même coup reconquérir une juste popularité en Allemagne, satisfaire ses confédérés du nord, former les élémens