Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 23.djvu/933

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les fondateurs du Zollverein, rassurant les industriels par la garantie d’une protection suffisante, séduisant les libéraux par la perspective du développement qui serait imprimé aux travaux publics, aux rapports avec l’étranger et aux entreprises coloniales, flattant les patriotes par l’image d’une alliance définitive entre tous les enfans de la commune patrie, recherchant même la faveur de la bureaucratie, à laquelle il promettait une belle organisation administrative, et en particulier une direction de statistique. En un mot, rien n’était omis de ce qui pouvait plaire aux Allemands.

Il serait injuste de refuser à l’Autriche le mérite d’une sollicitude sincère pour les intérêts généraux de l’Allemagne, alors qu’elle soumettait à l’opinion publique son plan d’union; mais, à vrai dire, elle avait principalement en vue de battre en brèche l’influence ou, pour parler le langage d’outre-Rhin, l’hégémonie prussienne. Le cabinet de Berlin ne pouvait s’y tromper, et, se voyant attaqué sur le terrain de la politique, il prépara sans retard ses moyens de défense. Il se trouvait du reste dans une position assez forte. Outre l’incontestable avantage d’avoir le premier tenté l’union allemande, il avait pour lui le parti agricole et la classe des commerçans, qui désiraient le maintien d’un tarif modéré, le parti du libre-échange, qui savait que l’influence de l’Autriche lui serait plus contraire que celle de la Prusse, et enfin le parti libéral en politique, qui devait considérer comme suspecte toute provenance de Vienne. Il n’avait en réalité contre lui que le parti manufacturier, prépondérant dans les états du midi, et quelques souverains que d’anciennes sympathies politiques ou personnelles rapprochaient de la maison de Habsbourg. Par conséquent, si, au prix de quelques concessions faites à l’opinion protectioniste, il parvenait à se rattacher plus solidement parle lien des intérêts l’industrie des états méridionaux, il était à peu près assuré de conserver la haute main dans la direction du Zollverein et de déjouer, dans ce qu’ils pouvaient avoir de périlleux pour son influence, les desseins de l’Autriche. Il profita de la conférence douanière réunie à Cassel en 1850 pour soumettre aux représentans des états associés un ensemble de mesures qui avaient évidemment pour objet de donner satisfaction au parti manufacturier. Il proposait la suppression des droits qui, dans un intérêt fiscal, avaient été appliqués à un grand nombre de matières premières, l’augmentation du tarif des fils et tissus, l’allocation de drawbacks à l’exportation des étoffes, des réductions de taxe à la sortie et au transit. Ainsi les états méridionaux se voyaient enlever tout prétexte de mécontentement; la Prusse leur offrait les avantages qu’ils attendaient de l’accession autrichienne, elle leur sacrifiait en partie ses convictions libérales et les vœux des états du nord,