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proscrit les érudits et les lettrés comme des corrupteurs publics; mais, en exagérant le principe de l’autorité religieuse, il ne travaille que pour Philippe II, sans parvenir à relever l’esprit italien. C’en est fait, l’étranger l’emporte : la monarchie espagnole étreint la péninsule dans ses bras glacés, et semble sceller pour toujours au fond d’un tombeau cette belle Juliette, endormie d’un léthargique sommeil.

Depuis le jour où la domination de l’Espagne eut pris pied en Italie et y fut devenue prépondérante jusqu’à l’époque de la révolution française, l’idée d’une confédération italienne fut souvent mise en avant, et chaque fois par la France. L’affranchissement de l’Italie au moyen d’une ligue entre les princes italiens fut une des pensées de Henri IV, et cette pensée se laisse voir dans les instructions qu’il avait léguées à Marie de Médicis, et dont Richelieu se fit l’exécuteur testamentaire. Les guerres de la Valteline sous Louis XIII, quoique renfermées dans un étroit théâtre, avaient une importance incontestable, car la Valteline, en joignant le Tyrol au Milanais, pouvait servir de trait d’union entre les états des deux branches de la maison d’Autriche. Lorsque le roi eut forcé le pas de Suze et assuré au duc de Nevers la succession de Mantoue, Richelieu conçut le projet de former, sous les auspices de la France, une confédération italienne destinée à balancer la puissance de l’Espagne et à établir, comme il le dit lui-même, un parfait repos dans la péninsule. Venise, Mantoue et le duc de Savoie signèrent cette ligue; mais le pape Urbain VIII, quoiqu’il eût le cœur français, n’osa point, en s’y associant, se compromettre ouvertement avec l’Espagne, et malgré l’adhésion secrète du grand-duc de Toscane, des républiques de Venise et de Gènes, des souverains de Modène et de Parme, ce projet fut abandonné, et ne put être repris sous Louis XIV.

La guerre de la succession ayant eu pour résultat de substituer en Italie l’influence de l’Autriche à celle de l’Espagne, la politique française va changer d’adversaires, mais elle ne peut varier dans son but. La maison de Bourbon a recueilli l’héritage des successeurs espagnols de Charles-Quint. Don Carlos règne à Naples. Son frère, don Philippe, veut se mettre en possession du duché de Parme, dont les impériaux se sont emparés comme d’un fief vacant. La France intervient par les armes pour arracher le Milanais à l’Autriche : elle veut, en agrandissant les états du roi de Sardaigne aux dépens de l’empire, intéresser ce prince à ses vues. Cette fois encore, l’idée d’une confédération reparaît. « Il y aura, écrit en I746 le ministre d’Argenson, un traité particulier contenant les conditions de l’union et association qui sera formée entre les princes d’Italie pour maintenir conjointement et de concert la tranquillité dans cette partie de l’Europe, et pour empêcher qu’aucune armée étrangère puisse