Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 23.djvu/904

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

papes ne se bornèrent plus à interdire, comme par le passé, la réunion du royaume de Naples à l’empire : ils défendirent d’une manière absolue que le souverain de la Sicile pût posséder en même temps la Lombardie ou la Toscane, ou la majeure partie de ces provinces. Ce fut là pour le saint-siège, pendant près de trois cents ans, une ligne de conduite invariable jusqu’au jour où il dispensa le tout-puissant Charles-Quint de la clause qui l’empêchait d’occuper à la fois le midi et le nord de la péninsule. Non-seulement Clément VII, couronna Charles à Bologne roi de Lombardie et empereur, mais il l’excita même à conquérir la Toscane pour la donner comme fief impérial à l’odieux Alexandre de Médicis. Cette investiture accordée par Charles-Quint fut la base qu’invoqua, deux siècles plus tard, la maison d’Autriche pour faire attribuer la Toscane à François de Lorraine. Ainsi la papauté, débarrassée des empereurs souabes, contraria le mouvement qui pouvait amener la constitution d’un état unitaire sous le sceptre d’un prince italien; puis, au XVIe siècle, elle en revint à la restauration pure et simple du vieux droit impérial en la personne de l’homme qui avait fait saccager par une bande d’aventuriers luthériens la capitale de la catholicité.

Un résultat si funeste à l’Italie est-il suffisamment justifié parle besoin de sauvegarder le domaine temporel du saint-siège, que l’on envisage encore aujourd’hui comme une condition nécessaire de l’exercice indépendant de l’autorité spirituelle? Sans vouloir entrer ici dans des débats irritans, il est bien permis de rappeler que les papes eux-mêmes ne se sont pas toujours fait un devoir étroit de maintenir inviolable l’intégrité de leur territoire. Pendant leur séjour à Avignon, ils en vinrent même à ne plus se considérer comme puissance italienne, et nous savons par les actes du premier Clément VII qu’il avait à peu près perdu le désir ou l’espoir de rétablir le siège apostolique en Italie. « On voit en effet que le 17 avril 1382 il avait érigé en royaume en faveur du duc d’Anjou, l’aîné des frères du roi de France, les meilleures provinces de l’état ecclésiastique, Ferrare, Bologne, la Romagne, la Marche, l’Ombrie, Spolète et Pérouse, ne se réservant que Rome, le patrimoine et la Sabine. Le roi devait, dans le délai de deux ans, se mettre en état de conquérir le pays à lui cédé, en faire hommage au saint-siège, et payer un cens annuel de 40,000 florins. De plus, il était stipulé que ses successeurs ne pourraient dans aucun cas unir au nouveau royaume l’état napolitain, l’Allemagne ou la Lombardie. Le but avoué de cette concession était de délivrer l’Italie centrale des petits tyrans qui l’opprimaient; le motif véritable, de se venger des Romains et de les tenir en respect en leur opposant un ennemi redoutable. Les événemens ne répondirent pas à l’attente du pontife. Si cet acte eût reçu son exécution, c’en était fait de la puissance tem-