éducation, Frédéric II est le type du génie italien au moyen âge ; il en a toutes les qualités et tous les défauts. À la fois empereur et roi de Naples, il veut moins rattacher l’Italie à l’empire que la rapprocher de la Sicile en donnant au nord de la péninsule la concentration politique et l’administration régulière qu’il a établies dans le midi. Presque tous les agens de son gouvernement dans l’Italie supérieure sont des indigènes ou des Siciliens. Il semble jaloux de conserver ou plutôt de préparer aux Italiens une vie distincte en groupant leurs forces autour d’un pouvoir unique capable de les contenir et de les diriger. Grâce à lui, l’unité est sur le point de s’opérer par une impulsion qui se propage en suivant un courant inverse de celui d’aujourd’hui, car au XIIIe siècle le royaume de Sicile représente à l’égard du reste de l’Italie le rôle que joue actuellement le royaume de Sardaigne. Seul il a une organisation appropriée aux besoins du temps, seul il offre l’exemple d’un gouvernement vigoureux, et alors comme de nos jours les idées passent les frontières, se propagent et gagnent du terrain. Ajoutons que lorsque Frédéric II travaillait à annuler le pouvoir temporel du saint-siège, il tendait à supprimer dans les provinces centrales un élément hétérogène et séparatiste qui sera toujours, quoi qu’on fasse, l’obstacle le plus sérieux à la constitution de l’unité italienne.
Frédéric était tellement pénétré de cette pensée, qu’il ne craignit pas d’annoncer sa ferme résolution de replacer sous sa main non-seulement la Marche d’Ancône et le duché de Spolète, mais encore toutes les terres qui à diverses époques avaient été détachées de l’empire pour former le patrimoine de l’église. En 1240, excommunié par le pape et n’ayant plus rien à ménager, il voulut frapper ce grand coup. Viterbe, Sutri, Civita-Castellana, Montefiascone, Corneto, se soumirent avec empressement. Si Rome ouvrait ses portes, tout était fini. « La nombreuse population de Rome, toujours avide de nouveautés, ne montrait aucune intention de défendre la ville, que Frédéric se flattait de posséder bientôt. Après tant de luttes et d’événemens divers, ce prince crut qu’il avait fixé l’inconstante fortune, et il redoubla d’efforts pour entrer dans Rome. Grégoire IX ne perdit pas courage. Il ordonna des prières publiques dans toutes les églises de la ville et conduisit lui-même une procession générale du clergé et du peuple. On exposa les reliques des saints ; les deux chefs des bienheureux apôtres Pierre et Paul furent découverts et promenés dans Rome ainsi qu’un morceau de la vraie croix. En voyant le pontife presque centenaire verser d’abondantes larmes et d’une main défaillante bénir la multitude agenouillée sur son passage, chacun se sentit ému ; puis, quand la bouche du vieillard appelant les fidèles à une nouvelle croisade contre Frédéric