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gère était moins à craindre. Les guerres du XVIe siècle, et surtout le sac de Rome par Charles-Quint, ravivèrent les anciennes animosités et consommèrent le divorce entre le sentiment italien et l’autocratie impériale. Le jugum importabile Teutonirorum redevint la devise de l’Italie, qui subit avec moins de répugnance la domination espagnole. Cette domination en effet, bien qu’oppressive au début, comme toutes celles qui naissent de la conquête, ne tarda point à être tempérée par une certaine communauté de race, de langage et de mœurs, qui la rendait plus supportable aux Italiens que le joug de l’Autriche. Mme des Ursins pouvait dire avec vérité au commencement du XVIIIe siècle : « Les Italiens tolèrent les Espagnols, mais ils détestent les Allemands. »


II.

Quand on songe aux interminables révolutions de la péninsule, on se demande s’il ne lui fut jamais possible de s’arrêter sur cette pente fatale et de s’attacher à quelque chose de stable et de permanent. On va voir que cette perspective fut ouverte pour l’Italie à un certain moment de sa vie historique, et qu’elle négligea les moyens de faire tourner au profit de son indépendance nationale ce droit impérial qui la dominait depuis Charlemagne et les Othons. Pendant les premiers siècles du moyen âge, les princes italiens avaient tout sacrifié au désir de se faire empereurs. Cette fois il s’agit d’un empereur qui subordonne l’empire à l’Italie, et qui entend constituer un royaume purement italien. En examinant les vues politiques de l’empereur Frédéric II, qui régna de 1220 à 1250, M. de Cherrier émet à ce sujet une opinion nouvelle, mais appuyée sur un ensemble de preuves irrécusables : c’est que ce prince, qui en toutes choses marcha en avant de son siècle, voulait faire de tous les Italiens une seule nation. « Ils ne comprirent pas, ajoute-t-il, combien cette pensée était féconde, et quel avenir sa réalisation devait préparer à leur pays. Loin donc de consentir à une centralisation qui eût peut-être été despotique pendant un temps, mais qui du moins eût constitué un grand peuple, ils se divisèrent de plus en plus et manquèrent l’occasion d’assurer leur indépendance et de prendre en Europe le rang que la nature leur a assigné. Des siècles de malheur et d’asservissement ont été l’expiation de cette faute[1]. »

Allemand par son père, mais Italien par sa mère Constance, qui était fille des rois normands de la Sicile, Italien surtout par son

  1. Histoire de la Lutte des papes et des empereurs de la maison de Souabe, t. II, p. 398.