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LOCKE
SA VIE ET SES OEUVRES

PREMIERE PARTIE




Et ce Locke en un mot dont la main courageuse
A de la vérité posé la borne heureuse.

Voltaire parlait ainsi, et on l’en croyait : temps heureux, jours de certitude et d’espérance ! On ne doutait guère alors, et en métaphysique comme en bien des choses, on pensait avoir touché le terme et conquis la vérité. Le nom respectable de l’homme éminent que Voltaire célébrait ainsi était mis d’un commun accord au rang suprême, et une gloire un peu hâtive lui était décernée par les plus dignes de la dispenser. Il devenait en peu d’instans une de ces autorités que l’on ne conteste plus ; une école puissante se formait où l’Ipse dixit de la scolastique allait, pour un autre Aristote, reprendre son empire. L’esprit humain, qui se disait enfin affranchi, semblait n’avoir que changé de maître.

J’ai vu la fin de cet empire : il tomba avec un autre. Lorsque Napoléon établit avec tant de largeur l’enseignement philosophique dans les facultés et les lycées, c’est surtout à la philosophie de Locke qu’il dressa de nombreuses chaires, et nous avons presque tous reçu d’elle nos premières leçons. On a souvent raconté, et dans ce recueil même, comment cependant son autorité éprouva