et avec elle le moment, pour le parti modéré, de recueillir les fruits d’une résignation si virile, d’une confiance si noblement perspicace. Pour être éclos rapidement sous le terrible feu des batailles, de tels fruits ne sauraient avorter.
Heureuse l’Italie si elle avait toujours pratiqué d’aussi sages maximes! heureuse surtout si dans les temps passés elle n’avait pas rêvé la domination du monde nouveau! Ce monde, une fois constitué, n’aurait pas réagi contre elle en la tenant en dehors du droit public européen. Huit siècles durant, la doctrine de la monarchie impériale a été l’idéal politique de l’Italie, l’illusion pour laquelle elle a abdiqué sa personnalité et manqué toutes les occasions favorables de se donner des limites, des institutions, une patrie. Le souvenir de l’empire romain, de la grandeur romaine, a enivré l’Italie du moyen âge, et c’est aussi ce qui l’a perdue. Elle alimentait ses espérances à la source où elle puisait ses souvenirs :
Tu regere imperio populos, Romane, memento.
Tel est le fait de premier ordre qui semble le point de départ de
cette éternelle question italienne que l’on cherche à étudier ici sous
un jour nouveau. L’examen d’un tel fait se rattache d’ailleurs intimement au plus violent débat qui, avant la réforme de Luther, ait
agité le monde chrétien, à savoir la querelle du sacerdoce et de l’empire. Le livre de M. de Cherrier fournit à ce sujet les informations
les plus exactes. En suivant d’un peu loin cet excellent guide pour
la marche générale des événemens, en le complétant au besoin sur
certains points spéciaux, nous voudrions nous attacher à une considération principale, celle de l’influence du droit impérial et de la
papauté sur les destinées de l’Italie.
Au milieu du vaste mouvement des invasions germaines, d’où sont sorties les nations modernes, l’Italie échut d’abord aux Goths, qui s’efforcèrent d’y fonder un royaume; mais l’Italie, encore toute romaine, rejeta ces barbares de son sein, et applaudit à la restauration de l’autorité impériale, accomplie par les victoires des lieutenans de Justinien. Après les Goths, une seconde couche de Germains vint se superposer sur le sol italien. Ces nouveaux conquérans méritaient d’y prendre racine, car ils étaient aptes à recevoir et à s’assimiler la civilisation latine, à opérer la fusion des races, à effacer par de bonnes lois et un bon gouvernement les maux de l’invasion, à devenir enfin avec le temps une puissance exclusivement italienne.