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sence de tout gouvernement général; il tend encore notablement à restreindre l’étendue de la société chrétienne pour mieux en assurer la pureté. Il est ennemi du multitudinisme; il se refuse à envisager l’église comme une institution pédagogique, comme une sorte d’école où il conviendrait d’attirer le plus d’auditeurs possible. Pour sa logique inflexible, la seule église véritable du Christ est l’ensemble des vrais régénérés; c’est la nation spirituelle où l’on n’entre point par la naissance, ni par le baptême, ni par l’éducation, mais par un miracle de l’Esprit saint, et les hommes ne doivent pas établir une fausse église qui réunisse pêle-mêle les croyans et les non-croyans. Recevoir des inconvertis dans l’espoir de les convertir, c’est ne croire qu’à l’habileté mondaine; leur permettre de demeurer dans les rangs des chrétiens, c’est les tromper sur leur état et les encourager à ne pas sentir la nécessité de la foi. Au point de vue pratique, ceci nous mène bien loin. Avec cette disposition à s’en remettre de tout à l’Esprit saint, il y a danger de tenir trop peu de compte du besoin de direction. C’est la démocratie sans réserve dans l’église. Nous aurons occasion de retrouver quelque chose d’analogue chez un autre écrivain qui procède aussi de l’école allemande. On verra que par une autre voie, par sa confiance dans la raison et la conscience, il fait également bon marché de la prudence humaine. C’est là, ce me semble, l’élément menaçant de la théologie nouvelle : elle est un progrès comme théorie, mais peut-elle fonder une église viable? Cela dépend probablement des limites où ses disciples maintiendront leurs idées sur l’Esprit saint.


II.

Ce n’est pas chose commune qu’un homme déjà célèbre parmi les écrivains de son pays, longtemps revêtu de hautes fonctions, se décide à écrire dans une langue étrangère un ouvrage de longue haleine, qui plus est, un ouvrage de philosophie historique et de théologie, où il cherche à donner le dernier mot de toutes ses convictions et de ses laborieuses études. C’est là ce qu’a fait M. Bunsen, le vétéran de la diplomatie prussienne, celui qui fut plus de vingt ans ministre à Rome, qui pendant quinze autres années représenta son souverain à Londres, et qui, dans le cours de cette carrière politique, a trouvé le temps et l’énergie de se faire une position encore plus élevée par ses travaux d’antiquaire, de linguiste et d’historien. Quels motifs ont pu déterminer M. Bunsen à faire choix de l’anglais pour écrire les sept volumes qu’il a publiés en dernier lieu sous le titre de Christianiy j and Mankind (le Christianisme et l’Humanité) ? Sans le dire positivement, il le laisse deviner. A demi naturalisé en