préalablement prévus et définis par la loi, et conformément aux pénalités édictées, et il n’est permis à personne d’ignorer la loi. La presse ne demande, dans cet ordre d’idées, que le droit de ne point ignorer les infractions qu’elle est exposée à commettre, et le droit de faire valoir sa bonne foi ou son innocence devant les tribunaux ordinaires, qui, en vertu du sage et tutélaire principe de la division des pouvoirs, sont chargés par la constitution de l’interprétation et de l’application des lois. Il importe de ne point confondre le simple et modeste vœu exprimé en faveur du retour de la presse au droit commun avec les fières prétentions de la liberté absolue de la presse. L’on a appelé, pour abréger, ce changement demandé à la législation de 1852 la substitution du régime légal au régime administratif. L’impropriété des mots adonné lieu, nous le reconnaissons, à une confusion d’idées contre laquelle M. le ministre de l’intérieur a protesté à bon droit. L’on semblait en effet, par cette opposition déplacée de termes, contester au décret le caractère d’une loi durable et l’assimiler à une mesure de circonstance. Il n’en est point ainsi : le décret de 1852 a le caractère d’une ici, et tant qu’il demeurera en vigueur, il constituera l’état légal de la presse. Peut-être, pour préciser par une distinction irréprochable la nature de l’amendement que l’on réclame, eût-on mieux fait d’emprunter les expressions dont se sont servis les législateurs qui ont voté en 1858 la loi de sûreté générale. Une partie de cette loi confère aussi à l’administration le droit d’appliquer elle-même à certaines catégories de citoyens des mesures de sûreté. La loi de 1852 sur la presse et la loi de 1858 sur la sûreté générale sont les seules lois françaises qui confèrent exceptionnellement à l’administration une portion du pouvoir judiciaire. Or le rapporteur de la loi de 1858 au corps législatif appelait judiciaire la portion de la loi dont l’application était confiée aux tribunaux, et administrative celle dont l’exécution était attribuée au ministre de l’intérieur. « Votre commission, disait l’honorable rapporteur, a jugé que la loi, dans ses dispositions, avait deux caractères: l’un judiciaire, devant rester permanent; l’autre administratif, ne devant être que temporaire. » Peut-être les partisans de la réforme de la législation de la presse eussent-ils bien fait de se servir des expressions ’que nous venons de reproduire pour marquer la distinction qu’ils établissent entre les deux parties du décret de 1852; peut-être même, si l’on songe à l’analogie qui existe entre ces deux lois, et si l’on considère que le législateur de 1858 a cru devoir limiter à une période de sept années l’exception de la juridiction administrative en matière de sûreté générale, trouvera-t-on qu’ils avaient au moins l’autorité d’un précédent remarquable, pour espérer que les dispositions du décret de 1852 qui ont le même caractère ne seraient pas éternelles.
Mais la confusion la plus grave à nos yeux qui ait été commise dans ce débat est celle qui, d’après les apologistes les plus exagérés de la loi de 1852, tend à opposer le suffrage universel à la liberté de la presse. Il est assurément impossible de découvrir une telle incompatibilité entre le suffrage universel et la liberté de la presse, à quelque point de vue que l’on se place: le sens même des mots la réfute. Si le suffrage implique le discernement de ceux qui exercent la fonction électorale, toute extension du suffrage appelle et suppose une plus grande diffusion de lumières, et par conséquent ce sont