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TROIS RENCONTRES

SOUVENIRS DE CHASSE ET DE VOYAGE.

Passa que ’i colli, e vieni allegramente,
Non ti curar di tanta compania ;
Vieni, pensando a me segretamente
Ch’ io t’accompagna per tutta la via.


I.

Parmi tous les terrains de chasse voisins de ma maison de campagne, celui que je visitais le plus souvent était la plaine boisée qui environne le village de Glinnoë, au centre de la Russie. C’est près de ce village que se trouvent les endroits les plus giboyeux de notre district. Après avoir battu tous les buissons et couru tous les champs des alentours, je m’enfonçais ordinairement dans un marais du voisinage, et de là je m’en retournais chez mon hôte bienveillant, le starosta[1] de Glinnoë, dans la maison duquel j’avais l’habitude de m’arrêter.

Il n’y a pas plus de deux verstes du marais à Glinnoë ; le chemin traverse constamment un bas-fond, et c’est à moitié route seulement qu’on rencontre une petite colline qu’il faut franchir. Sur le haut de la colline se trouve une propriété composée d’une seule maison seigneuriale non habitée et d’un jardin. Il m’arrivait presque toujours de passer devant cette maison au moment où l’éclat du soleil couchant était le plus vif, et je me rappelle que cette habitation, avec ses volets hermétiquement fermés, me faisait chaque fois l’effet d’un vieillard aveugle venu là pour se chauffer au soleil. Le pauvre homme est assis au bord de la route : il y a longtemps

  1. Maire du village.