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meuvent suivant certaines lois, et il en résulte les apparences les plus variées et les propriétés les plus multiples.

……….. Certissima corpora quædam
Sunt quæ conservant naturam semper eamdem
Quorum aditu aut abitu mutatoque ordine mutant
Naturam res et convertunt corpora sese,


comme dit Lucrèce. Et la force vitale elle-même, cette force plus mystérieuse encore que les agens impondérables, n’a-t-elle pas une certaine parenté avec la chaleur, la lumière, l’électricité? Observée dans plusieurs de ses manifestations, elle rappelle l’électricité; elle a sous sa dépendance des phénomènes de chaleur et de lumière; elle est entretenue par des courans nerveux qui agissent d’une manière assez semblable aux courans électriques, qui produisent parfois de véritables décharges. Sans doute les expériences ne permettent pas qu’on les identifie, pas plus qu’on ne peut encore identifier le calorique et la lumière; mais cette force ne nous montre cependant aussi que des déplacemens intestins entre les molécules organiques : tour à tour elle domine les actions physiques extérieures, elle réagit sur elles ou en est dominée; elle produit, sans l’intervention de la volonté, des actes en apparence raisonnes et volontaires, comme cela s’observe dans ce qu’on appelle le mouvement réflexe, où l’on voit une incitation immédiatement réfléchie sur les nerfs moteurs, sans que l’animal en ait conscience; ce qui fait qu’une grenouille décapitée nage encore, ou que les membres d’un homme endormi se retirent lorsqu’on vient à les piquer. Cette force vitale, que quelques personnes continuent à appeler un fluide, mot aussi vide de sens dans ce cas que lorsqu’on l’applique à l’électricité ou à la chaleur, cette force, dis-je, ne commencera à être comprise dans son mode d’action, qu’après qu’on aura éclairé les phénomènes de chaleur, de lumière et d’électricité, auxquels elle se lie. Tout est connexe dans l’univers. L’analyse consiste à séparer de ce vaste flux et reflux d’actions celles dont les causes se localisent, et à les étudier sans tenir compte des circonstances qui les ont produites. La vie ne saurait être conçue indépendamment des conditions dont elle a besoin, et les actes auxquels elle donne lieu sont par conséquent dans une dépendance nécessaire de l’électricité comme du reste. Étudier l’électricité, c’est donc chercher comment agit sur nous le plus grand dépôt de ces forces mystérieuses qui sont l’entretien, sinon la source de la vie.


ALFRED MAURY.