Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 23.djvu/643

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par les administrations qui se sont succédé. Une route établit le long de la plage une communication facile entre l’établissement français et la maison de Te-Moana. En 1853, on en dirigea une seconde de la mer au sommet de la colline d’Avao. — dans le courant de la même année, on établit à 60 mètres environ, sur le coteau en arrière de la résidence du gouverneur, une sorte de pénitencier composé de cinq ou six maisonnettes de même modèle dressées sur une terrasse au milieu d’un enclos facile à surveiller. Trois de ces demeures, placées de front sur le même plan, faisaient face à la mer. Elles étaient occupées par les déportés et leurs familles ; dans les autres résidaient le lieutenant de gendarmerie et ses soldats. — En 1854, les déportés ayant obtenu remise de leur peine, une nouvelle évacuation de l’île eut lieu ; blockhaus et pénitencier, devenus inutiles, furent démolis et transportés à la Nouvelle-Calédonie. Enfin depuis 1855 vingt soldats d’infanterie et leur officier, quatre gendarmes, deux ouvriers d’artillerie et un agent des subsistances conservaient aux Marquises l’unique poste d’Akapehi, sous les ordres d’un lieutenant de vaisseau commandant une goélette stationnaire. Cette poignée d’hommes suffisait pour maintenir l’ordre dans la baie de Taiohaë, la seule de l’île où les instructions du commandant particulier fixaient l’exercice de notre droit de souveraineté.

Le commandant particulier relève du gouverneur des établissemens français de l’Océanie. Il lui rend compte de l’administration et de tout ce qui peut l’intéresser ; il perçoit les droits d’ancrage de la baie de Taiohaë (50 francs par navire), veille à l’exécution des règlemens de port, de pilotage, prend les mesures relatives aux déserteurs, qui rarement échappent aux indigènes, stimulés par une prime[1]. Il protège les missions, intervient dans les différends qui s’élèvent entre les naturels et les Européens établis dans l’île, veille aux propriétés de l’état, à celles des particuliers, s’oppose aux coupes inintelligentes de bois, à la dévastation des végétaux alimentaires. Son autorité enfin est aussi absolue sur ses subordonnés que celle du capitaine d’un navire en mer. On ne saurait caractériser avec plus de justesse la situation de cet officier, qui parfois reste un semestre entier sans relations avec le reste du monde.

On a vu quels étaient les rapports des Européens avec les indigènes des Marquises. La nature est heureusement ici plus hospitalière que les hommes. La grande préoccupation du petit nombre d’Européens établis aux Marquises devrait être de tirer parti des ressources du sol et d’introduire dans l’île de nouvelles cultures.

  1. Cette prime (50 francs par tête) est remboursée par le navire d’où les hommes ont déserté.