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à certains jours, ne fût-ce que pour quelques heures, et d’où ils rayonnent ensuite sur toute l’étendue de la métropole britannique. Ces centres de réunion sont les principaux marchés de Londres, tels que Billingsgate et Covent-Garden-Market.

Sachant que le marché de Billingsgate ouvrait de très bonne heure, j’avais devancé au mois de juin dernier le lever du soleil. Londres dormait. Les clochers des églises, se répondant l’un à l’autre, comme des sentinelles perdues, dans l’air immobile et limpide du matin, proclamaient de leur voix de bronze trois heures et demie. Je traversai le pont de Londres : en cet endroit, la scène ne manquait point de majesté. Une partie du ciel était couleur d’opale, et la lune s’effaçait dans cette blancheur, tandis que l’autre côté du ciel se dorait déjà des premiers feux du soleil levant. La ville, enveloppée dans l’aube matinale comme dans un vêtement, se déployait silencieuse des deux côtés de la Tamise. Les maisons qui bordaient le fleuve étaient endormies, les vieux wharfs (quais) laissaient pendre du haut de leurs puissantes grues des cordes et des chaînes désœuvrées : aux deux bouts de l’horizon, Saint-Paul et la Tour de Londres semblaient rêver dans une lumière nuageuse. La Tamise elle-même, que les Anglais appellent « la rivière la plus affairée du monde (the businest river in the world), » la Tamise se reposait. N’étant point tourmentée à cette heure par le mouvement des penny boats, ces omnibus sur l’eau qui la traversent et l’agitent dans tous les sens durant la journée, elle coulait à sa guise, trouble, mais calme. Je n’avais jamais vu un tel prodige : le pont de Londres sans foule, sans courant de voitures ! Le matin, cette jeunesse du jour fraîche et embaumée, est une heure inconnue à la plupart des habitans de la grande cité. Les rares passans se regardaient l’un l’autre d’un air étonné, et sur les bancs de pierre, appuyés de distance en distance aux deux parapets du pont de Londres, de pauvres filles qui avaient peut-être dormi en plein air cette nuit-là se cachaient la tête sous quelques haillons, comme si elles avaient honte de se présenter aux vierges rayons de l’aurore.

Quand j’arrivai à la hauteur du Monument[1], je découvris une file de petites voitures qui s’étendait dans toute la longueur de Fish-Street-Hill (la rue de la colline aux poissons), et qui se continuait

  1. Le Monument est une colonne élevée par sir Christopher Wren en commémoration du grand incendie de 1666, qui détruisit presque toute la ville depuis la Tour de Londres jusqu’à Temple-Church. Un assez beau bas-relief de Cibber représente le roi Charles II, qui, entouré par la liberté, le génie et la science, donne des ordres pour qu’on reconstruise la cité. L’inscription accuse les catholiques d’avoir été les auteurs de l’incendie ; mais Pope n’en croyait rien. « Cette colonne, dit-il, qui se dresse vers le ciel comme un grand bravache, lève sa tête et ment. »