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composé son épitaphe, qu’il faut, ce me semble, copier pour achever de le faire connaître.


« SISTE, VIATOR. Hic juxta situs est Joan. Locke. Si qualis fuerit rogas, mediocritate sua contentum se vixisse respondet ; litteris innutritus, eas usque profecit ut veritati unice litaret. Hoc ex scriptis illius disce, quae quod de eo reliquum est majori fide tibi exhibebunt quam suspecta epitaphii elogia. Virtutes si quas habuit minores sane quam sibi laudi, tibi in exemplum proponeret. Vitia una sepeliantur. Morum exemplum si quaeras, in Evangelio habes : vitiorum utinam nusquam : mortalitatis certe, quod prosit, hic et ubique.

« Natum an. Dm. 1632, aug. 29°, mortuum 1704, oct. 28° memorat haec tabula brevi et ipsa peritura. »


On s’est plaint quelquefois de l’abandon de la sépulture de Locke dans un lieu inconnu ; mais les révérends Edouard Tagart et Benjamin Mardon, qui ont visité le 28 octobre 1853, jour anniversaire de sa mort, son tombeau et celui des Masham[1] à High Lever, l’ont trouvé dans le meilleur état de conservation. Il nous semble que les mortelles dépouilles d’un sage n’ont pas besoin d’un plus somptueux mausolée. Du reste on sait que la reine Caroline, cette femme supérieure dont les inspirations firent pendant un temps toute la sagesse de George II, aimait la philosophie et les philosophes. Elle se plaisait beaucoup à Richmond, et la partie de l’ancien parc qu’on appelle le Jardin-Royal lui dut toute sorte d’embellissemens d’un goût fort contestable, mais qu’on admirait alors. Elle y fit construire une grotte ou plutôt un souterrain, dit le Caveau de Merlin, orné de figures de cire, et un ermitage, où elle voulut placer les bustes des grands philosophes de l’Angleterre : c’étaient ceux de Bacon, de Newton, de Clarke et de Locke. L’hommage était digne de remarque, venant d’une ancienne amie de Leibnitz.

Après ce récit, il nous semble superflu d’en recueillir les traits pour peindre le caractère de Locke. En essayant son portrait, nous n’égalerions assurément pas celle dont Le Clerc nous a conservé les lignes remarquables[2]. Lady Masham (car sans aucun doute elle en est l’auteur) avait écrit quelques ouvrages de piété, et jamais son cœur ne l’a mieux inspirée que lorsqu’elle a tracé cette vive image de l’ami vénéré qui lui dut le bonheur de ses derniers jours.

  1. Il parait cependant que lady Masham fut ensevelie dans la cathedrale de Bath.
  2. Bibliothèque choisie, 1705, t. VI, p. 395. Lady Masham a écrit des Pensées sur une Vie chrétienne, publiées la même année, et qui ont été attribuées à Locke lui-même. Elle avait en 1696 donné un autre ouvrage traduit par Coste sous ce titre : Discours sur l’Amour divin, par Mme Masham, Amst. 1705.