riage. Chaque jour, un bouquet splendide était apporté à Berthe ; chaque matin aussi, elle flairait un petit bouquet de violettes desséchées qu’elle tirait d’une cassette. Son fiancé passait deux ou trois heures avec elle, dînait à l’hôtel, et l’accompagnait ensuite au bois de Boulogne ou au théâtre. Elle lui donnait une poignée de main, se montrait polie, réservée, un peu contenue et froide, mais semblait l’écouter volontiers. M. Claverond pensait qu’il l’éblouissait. M. Des Tournels, qui ne s’y trompait pas, la prit un jour à part : — Ta mère ne m’aimait pas quand je l’ai épousée, lui dit-il ; un jour tu aimeras Félix.
— Je lui serai dévouée tout au moins, répondit-elle.
À cette même époque, le mariage de Lucile était décidé avec un gentilhomme de province qui avait tué une paire de sangliers dans les forêts de M. Des Tournels. M. Gaston de Sauveloche passait chaque année six mois à la campagne et six mois à Paris ; il vivait largement et honnêtement, faisait quelque bien quand l’occasion s’en présentait, et n’avait pas d’autres prétentions que celles de jouer le piquet mieux que personne et de tirer aussi bien que le plus fin braconnier de son département. IL avait une santé indestructible, quarante mille francs de rente en biens-fonds, la tournure d’un capitaine de dragons en disponibilité, le cœur sur la main et l’humeur accommodante en toute saison, par la pluie ou par le vent. À la seule condition qu’on ne le dérangeât pas dans ses habitudes, il était homme à vivre cinquante ans au milieu d’un couvent de nonnes ou d’une réunion d’avocats sans avoir maille à partir avec personne. Si Lucile avait le caractère fait comme une pomme d’api, frais et rond, celui de Gaston était pareil à une balle de caoutchouc, souple et rebondissant.
Les deux mariages se firent le même jour. Une brillante compagnie assistait à la bénédiction nuptiale. Lucile s’y montra heureuse et souriante ; Berthe pria sous son voile avec une ferveur dont son père seul avait le secret. Après un déjeuner qui suivit la cérémonie, M. et Mme de Sauveloche partirent pour le midi ; Berthe, que son mari voulait emmener en Suisse, refusa et préféra passer un mois à la campagne.
Une lettre d’invitation était parvenue à Francis en même temps que la nouvelle de la mort de sa tante. À l’encontre de toutes les prévisions, sa tante lui avait laissé, non pas la totalité, mais une part de sa fortune assez considérable pour qu’il lui fût aisé de rembourser les hypothèques prises sur la terre de Grandval et de nettoyer sa position. M. Lecerf, qu’il avait chargé de ce soin, s’en acquitta promptement, étonné de la probité excessive de Francis, qui tint à payer dans leur intégrité des emprunts notoirement en-