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dans les promesses d’une vie à venir. Comme il ne pouvait plus marcher, il se faisait porter dans un fauteuil. Il y avait déjà quelque temps qu’il était hors d’état d’aller à l’église, et il reçut le sacrement dans sa chambre avec deux amis, répétant au ministre que ses sentimens étaient ceux d’une parfaite charité envers tous les hommes et d’une sincère union avec l’église du Christ, sous quelque nom qu’elle fût désignée.

Le 27 octobre, veille de sa mort, il se sentit très faible et ne put se lever. Lady Masham et toute la famille se tinrent dans sa chambre. On lui fit quelque lecture, et lorsqu’on lui dit adieu : « J’espère, dit-il, que vous vous souviendrez de moi dans vos prières du soir. » On lui proposa de les faire dans sa chambre, et il y consentit. Puis, au moment où ses amis se retirèrent, il leur dit : « Je vous souhaite à tous du bonheur, quand je vous aurai quittés. » Lady Masham resta seule assise auprès de son lit, et il l’exhorta à regarder ce monde uniquement comme une préparation pour un meilleur. Quant à lui, il avait assez longtemps vécu, il bénissait Dieu pour avoir passé une heureuse vie, et cette vie cependant ne lui paraissait que vanité. Il ne voulut pas que lady Masham le veillât, espérant un peu de sommeil ; mais il ne dormit pas, et le lendemain matin il voulut essayer de se lever et se fit porter dans son cabinet. Il y dormit quelque temps dans son fauteuil ; puis, se sentant mieux, il voulut s’habiller comme à l’ordinaire. Il demanda un peu de bière, et pria lady Masham, qui lisait les psaumes tout bas, de les lire à haute voix, ce qu’elle fit. Il parut attentif jusqu’à ce que, s’apercevant d’un certain trouble dans son esprit, il lui dit de s’interrompre, et, après quelques minutes, il expira. C’était le 28 octobre 1704. Il était dans la soixante-treizième année de son âge.

« Sa fin, écrivait lady Masham, a été aussi admirable que sa vie. Il est mort de faiblesse, n’omettant aucune occasion de donner des conseils chrétiens à tout ce qui l’entourait. En tout, sa mort a été, comme sa vie, vraiment pieuse, et pourtant naturelle, facile, exempte de toute affectation. Et jamais le temps, je pense, ne produira un plus éminent exemple de raison et de religion qu’il ne l’a été vivant ou mourant. — Oates, 8 novembre 1704. » Il est doux de transcrire de telles paroles. Elles recommandent tout ce qu’elles racontent, et, bien mieux que tout ce qu’on entend de nos jours, elles nous apprennent comment la religion et la philosophie peuvent se rejoindre dans la vérité et la vertu.

Par ses actes de dernière volonté, il fit King son héritier et donna ses ouvrages à la bibliothèque bodleienne de l’université d’Oxford ; il est vrai que le conservateur les lui avait demandés. Locke fut enterré dans le cimetière de High Lever, Essex. Il avait lui-même