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où il avait représenté Locke pendant sa dernière maladie, tout entier à la lecture des livres saints, et donnant à la raison les ailes de la foi, porté par elle dans la région sublime où la voix du prophète s’entend du haut des cieux.

Peter King était le plus proche parent de Locke. Il était arrivé par le barreau à la chambre des communes, et faisait ses premiers pas dans la carrière parlementaire. Locke, dans ses lettres, les suit avec une sollicitude éclairée. Il lui témoigne beaucoup d’affection et de confiance. C’est là que l’on voit combien, tout en comprenant les avertissemens que lui donnaient la maladie et la faiblesse, il s’intéressait vivement encore aux affaires de sa patrie. La guerre qui s’approche lui donne toutes les émotions que devait ressentir un ami du roi, un homme de 1688. « J’ai reçu, écrit-il à King, le 3 janvier 1702, les imprimés que vous m’avez envoyés. J’ai lu le discours du roi, qui est si gracieux, et qui exprime une si haute sollicitude pour la religion, la liberté et l’intérêt de son peuple, que, sans compter tout ce que les deux chambres feront et ont fait, la cité de Londres, les comtés de l’Angleterre, et tous ceux qui ont si tard recouru à lui ne peuvent, ce me semble, faire moins que de lui rendre, en joignant leurs cœurs et leurs mains, des actions de grâces pour le soin qu’il prend d’eux. Pensez à cela avec vous-même, et pensez-y avec d’autres qui peuvent et doivent songer aux moyens de nous sauver des mains de la France, dans lesquelles il nous faudra tomber, si toute la nation ne déploie pas la dernière vigueur, et cela promptement. » Il eut deux mois après la douleur de voir mourir le prince en qui reposait toute sa confiance, et c’est alors qu’un jour plus sombre dut à ses yeux s’étendre sur l’avenir de son pays. Cependant ses lettres à King le montrent fidèle à la politique guerrière de Guillaume, et il ne l’oublie pas au milieu des réflexions tristes et sereines à la fois que lui inspirent le déclin de ses forces et le progrès de ses maux.

Vers la fin de 1703, il cessa de pouvoir écrire lui-même, et pour la première fois il eut besoin d’un secrétaire. Cependant il conserva toute son activité d’esprit, toute son égalité d’humeur, et sa conversation était aussi animée que le lui permettait sa poitrine. Lorsque, peu de temps avant sa mort, on remarquait sa gaieté : « Il faut vivre tant qu’on vit, » répondait-il.

La belle saison lui avait toujours apporté du soulagement ; mais le printemps et l’été se passèrent en aggravant ses maux. Observant les signes précurseurs d’une fin inévitable avec le coup d’œil d’un médecin et la fermeté d’un sage, il se prépara à la dernière épreuve. Il entretenait ses amis de sa confiance dans la Providence, de sa résignation et de sa reconnaissance, de sa ferme espérance