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REVUE DES DEUX MONDES.

énergique. Nous n’avions pas donné à l’obstination et à l’astuce chinoises une suffisante idée de la puissance et de la supériorité de la civilisation européenne. La petite escadre qui conduisait à Pékin les ambassadeurs de France et d’Angleterre a été cruellement surprise et contrainte à la retraite après avoir éprouvé de graves pertes. Cette trahison tartare va enfin nous obliger à briser définitivement les barrières où s’enferme cette Chine immonde et grouillante. C’est au surplus dans toutes les parties de l’Orient que la barbarie jette le défi à la civilisation et la contraint au combat. Après la formidable insurrection qui a mis en péril la domination anglaise dans l’Inde, voici maintenant que la pacifique et industrieuse Hollande est, elle aussi, troublée dans son empire des Indes-Orientales par le fanatisme musulman. Au midi de Bornéo, dans le royaume de Banjermassin, cinquante personnes ont été massacrées par des mahométans. Des troubles ont éclaté à Sumatra, à Célèbes, et le gouvernement hollandais se prépare avec prévoyance et vigueur contre les périls dont ces troubles sont le symptôme. Mais la vengeance éclatante que la France et l’Angleterre sont obligées de tirer du Céleste-Empire laissera bien loin derrière elle les répressions que va exercer la Hollande. Une œuvre commune et glorieuse s’impose à la France et à l’Angleterre : on dirait un avertissement de la Providence, qui, au moment où les deux grands peuples de l’Occident se laissaient aigrir l’un contre l’autre par des jalousies et des défiances funestes, vient leur montrer que leur alliance est une nécessité de la civilisation moderne, et que leurs devoirs envers l’humanité leur prescrivent de demeurer amis.

E. Forcade.

REVUE MUSICALE.


Les théâtres lyriques de Paris, et nous pourrions ajouter ceux des autres capitales de l’Europe, qui ne brillent guère que de l’éclat qu’ils nous empruntent, n’ont rien produit de bien intéressant depuis les roses que nous avons vues éclore au dernier printemps. La saison musicale de Londres a manqué d’entrain, et le nombre considérable de virtuoses de toute espèce qui s’y étaient donné rendez-vous n’ont pas trouvé un public suffisamment attentif aux prouesses de leur gai savoir. Le Pardon de Ploërmel de Meyerbeer, traduit en italien, a été représenté au théâtre de Covent-Garden le 26 juillet. Mme  Miolan-Carvalho était chargée d’interpréter le rôle de Dinorah. Il ne paraît pas que M. Graziani, qui chantait la partie d’Hoël, ni que M. Gardoni, qui jouait le rôle du cornemuseux Corentin, aient rempli l’attente du public et satisfait entièrement le compositeur : nous n’avons pas de peine à le croire. C’est Mme  Nantier-Didiée, assure-t-on, qui, dans le rôle secondaire de l’un des chevriers, enrichi d’un air nouveau que le maître a écrit expressément pour elle, a eu presque tous les honneurs de la première représentation et fixé l’attention de ce public étrange, dont la mélomanie ne peut être considérée que comme un complément de son génie politique. Cependant c’est en Angleterre que se donnent les plus grandes fêtes musicales du monde. Un festival immense, qui a duré trois jours, a eu lieu les 20, 22 et