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ser, même au prix de sacrifices personnels, la fidélité qu’ils lui ont montrée ; mais des considérations politiques se mêlent assurément à ce sentiment de reconnaissante fierté. L’Autriche ne veut entrer dans une confédération qu’à la condition que les archiducs restaurés en fassent partie, parce que, maîtresse dans une confédération formée des souverains de sa famille, elle serait condamnée à une situation inférieure et dépendante dans une diète animée de l’esprit national, et parce qu’habituée à faire la loi dans les affaires d’Italie, il en coûterait trop à son orgueil d’être réduite à l’accepter. Nous trouvons une telle conduite naturelle de la part de l’Autriche, et nous trouvons également naturelles la défiance invincible et la résistance opiniâtre que les populations de l’Italie centrale opposent aux prétentions autrichiennes. Les bonnes intentions et les nobles sentimens qui, suivant le Moniteur, animent aujourd’hui l’empereur d’Autriche sont sincères, nous n’en doutons point, les archiducs, pressés de rentrer à tout prix dans les états qu’ils ont abandonnés, font de séduisantes promesses ; mais lorsqu’il s’agit de créer un système politique sur lequel reposent l’indépendance et la liberté d’un peuple, et de faire pour ainsi dire le moule d’une nationalité, est-il permis de jouer de si vastes destinées sur la foi des dispositions accidentelles et variables de quelques princes ? Que les défiances des Italiens envers l’empereur François-Joseph et ses parens de Toscane et de Modène soient exagérées, nous le voulons bien ; mais qui leur garantit que les dispositions de ces princes ne changeront jamais, ou que d’autres empereurs d’Autriche et d’autres grands-ducs de Toscane les partageront toujours ? Les Italiens ont une trop vieille expérience des pratiques de la politique autrichienne, ils ont trop souffert de la solidarité qui unit les archiducs au chef de leur maison, pour ne pas chercher leur sûreté dans des garanties permanentes contre la domination impériale. Si l’Autriche entre avec ses agnats dans la confédération italienne, cette confédération peut en effet devenir un jour un cercle de fer que l’Italie ne pourrait plus briser. L’Autriche y pourrait ressaisir, avec une autorité légale, de l’assentiment des princes ses confédérés, cette domination qu’elle s’était efforcée de conquérir pendant quarante-cinq ans par ses traités secrets, ses conventions particulières et ses interventions militaires. L’Europe elle-même, la France surtout, qui avaient eu jusqu’à présent le droit de protester contre les abus de l’influence autrichienne et de les contre-balancer par des manifestations contraires, seraient désarmées contre de tels abus. À quel titre pourraient-elles s’opposer à l’Autriche organe d’une confédération dont elle ferait partie et se couvrant des décisions de l’autorité fédérale ? Cette perspective, qui même en France devrait éveiller de justes appréhensions pour l’avenir, effraie à bon droit les Italiens. La confédération, même avec les archiducs restaurés, eût été possible à leurs yeux, si l’Autriche n’eût pas conservé Venise, car alors elle eût été uniquement et véritablement italienne ; mais la confédération, comprenant dans son sein et l’Autriche maîtresse de Venise et les archiducs restaurés, consacrant par conséquent l’isolement de la Sardaigne, leur paraît devoir donner à l’élément autrichien une influence excessive et irrésistible. Et puisque leur consentement était nécessaire à la rentrée des maisons souveraines déchues stipulée à Villafranca, les Italiens le refusent avec unanimité.