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Pourquoi d’ailleurs douterait-elle de ses matelots ? Ne les a-t-elle pas vus dévoués dans les circonstances les plus critiques ? Ont-ils manqué à la patrie quand elle était en péril ?

Il est vrai que dans les débuts de ce siècle l’Angleterre eut recours à un moyen bien rigoureux pour recruter ses flottes. Une presse était exercée sur les marins, c’est-à-dire qu’on les raccolait de vive force sur tous les points où on pouvait les atteindre, dans les rues, dans les tavernes, dans les lieux publics, quelquefois même dans leurs domiciles. Le souvenir de cette violence est resté gravé dans les esprits en traits si profonds qu’il a fallu y renoncer, et que l’urgence des besoins, la nécessité même d’une défense, ne pourraient suffire à la rétablir. De là ces moyens proposés pour donner à la contrainte des formes moins odieuses qui, en assurant le service, respecteraient davantage la liberté des individus. Mieux vaut que cette liberté reste entière, et elle peut l’être sans nuire à la promptitude et à la vigueur des armemens. Les mesures que vient de prendre l’amirauté en sont la preuve ; elles inaugurent un système plus juste, plus humain, plus conforme aux mœurs du pays. C’est par l’attrait des engagemens que l’amirauté veut attirer vers ses flottes les meilleurs matelots du commerce, c’est par des soldes plus élevées, des avantages de toute nature, qu’elle prétend vaincre leur répugnance et obtenir leur concours ; elle s’est dit qu’il n’y a de choisis et de fidèles que des équipages bien payés. Là-dessus les conclusions de la commission d’enquête ont été des plus formelles. Elle propose de porter jusqu’à 2,000 le nombre des mousses qui font leur apprentissage à bord des bâtimens de l’état, et qui acquièrent à cette école l’instruction nécessaire à un bon service. Elle insiste sur l’augmentation des troupes de marine, excellente infanterie qu’on a commencé à former au canonnage, et des gardes-côtes qui forment une réserve constamment prête et bien éprouvée. Sur les 100,000 matelots employés dans de courtes navigations, elle voudrait qu’on en enrôlât 20,000 comme volontaires de marine, pouvant être requis en toute occasion. Les avantages attachés à cette servitude seraient une somme déterminée, payable en plusieurs termes, une indemnité pendant la durée de l’apprentissage, une pension de retraite de 50 à 55 livres sterling, l’admission dans le corps des gardes-côtes et à l’hôpital de Greenwich. Toutes ces mesures seraient couronnées et appuyées par l’augmentation de la solde générale dans la proportion des grades et du temps du service. Avant peu, elles auront reçu la sanction nécessaire et passeront dans les usages. L’Angleterre aura alors un régime agissant par sa propre vertu et susceptible de durée, sans que la contrainte y jette une ombre, si adoucie qu’elle soit. Elle peut compter aussi sur