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Un éveil avait été donné au sujet de nos travaux maritimes ; il institua une commission pour savoir à quoi s’en tenir. Cette commission avait pour mandat de s’enquérir de l’état de la marine anglaise et de le comparer avec celui des autres puissances, de la France en particulier. De là un rapport qui, d’abord confidentiel, a été ensuite distribué aux deux chambres. C’est dans ce rapport que nous relevons les faits et les chiffres suivans. Vers la fin de 1858, l’effectif de la flotte anglaise comprenait 29 vaisseaux de ligne à hélice à flot et complètement achevés, 11 en cours de préparation et 10 sur le chantier, 34 frégates de divers rangs avec un nombre proportionné de corvettes, transports, canonnières, batteries flottantes, le tout formant ensemble 464 vaisseaux ou bâtimens à feu, portant 8,246 canons, pourvus d’une force de vapeur de 105,962 chevaux, et représentant une capacité de 457,881 tonneaux. À l’appui et à titre auxiliaire existait une flotte à voiles de 35 vaisseaux de ligne, de 70 frégates et 190 bâtimens de flottille. Sur ces derniers vaisseaux, 6 allaient être disposés pour recevoir une hélice, et plusieurs autres rasés pour être convertis en frégates. Ainsi, pour ne tenir compte que des vaisseaux de haut bord, 60 figuraient, il y a quelques mois, sur les états de l’amirauté, soit achevés, soit en préparation, et d’après les explications qui ont été depuis données au parlement, ces 60 vaisseaux seront au complet au printemps prochain et prêts à fournir leur service.

À la lecture de ces détails, on se demande comment ce seul rapprochement n’a pas suffi pour écarter de l’esprit de nos voisins tout sujet d’alarme : 60 vaisseaux de ligne à hélice contre 38, plus de 8,000 canons contre 5,000 à peine, et en surcroît 35 vaisseaux à voile contre 9, dans lesquels on peut puiser les élémens d’autres vaisseaux à hélice. Il est vrai que cette flotte formidable ne manque pas d’occupation ; elle a à sa charge la surveillance de presque tout le globe ; elle ne peut pas rester compacte, et tend constamment à se disperser. L’esprit de conquête a valu à l’Angleterre un bel empire ; mais, si beau qu’il soit, il est plus lourd encore. Sans une force toujours présente, elle le verrait s’échapper de ses mains lambeau par lambeau. C’est à ses croisières qu’elle doit de le maintenir et de l’accroître ; aussi en entretient-elle partout pour intimider ses vassaux ou protéger ses sujets, dans l’intérêt de sa domination ou de son commerce. Elle en a en Chine et au Japon pour en forcer les portes, dans les mers du Sud pour tenir en respect les marines rivales, dans l’Amérique du Nord pour s’opposer aux écarts d’un peuple remuant et prompt aux insultes, au Cap, en Australie, au Bengale, dans les Indes occidentales, pour garder des possessions qui lui appartiennent, dans la Mer-Rouge pour y poursuivre ses