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longueur sur une largeur proportionnée et une épaisseur de 13 à 14 centimètres dans le bordage de métal. L’armement comporte, il est vrai, moins de canons, mais ces canons sont tous de la plus grande puissance. La difficulté consiste à concilier la vitesse avec cette surcharge de poids ; c’est un calcul de statique, et il a été fait.

Comme on le pense, les Anglais ne sont pas restés indifférens à cette expérience ; ils ont compris dans leurs derniers projets deux frégates à cuirasse, et commandé à l’industrie privée un vaisseau qui excédera toutes les proportions habituelles, et sera pour la flotte militaire ce qu’est le Great-Eastern pour la flotte marchande. Ce géant des mers aura une capacité de 6,000 tonneaux, moitié plus que le Marlborough de 131 canons, 380 pieds de long et une force de vapeur nominale de 1,250 chevaux, effective de près de 4,000, de manière à fournir une vitesse de quatorze nœuds à l’heure. Bardé et blindé en fer, armé en outre d’un puissant éperon, ce vaisseau pourra traverser, assure-t-on, une flotte sans souffrir de ses feux, la couvrira du sien, et usera au besoin de la violence de son choc pour briser les bâtimens qui se trouveront sur son passage. De telles exagérations n’ont cependant rien de sérieux ; on n’aurait pas une marine entière dans ces conditions. Ce qui l’est davantage, c’est le revêtement en fer appliqué aux navires de premier et de second ordre. En supposant qu’à l’emploi le procédé justifie ce qu’on s’en promet, la seule manière d’y répondre serait de donner aux canons une telle puissance qu’aucun revêtement n’y pût résister. L’artillerie a fait de nos jours de tels pas qu’on peut s’attendre à beaucoup de surprises. Qui aurait prévu, il y a quelques années, celle qu’un digne et modeste officier, le colonel Treuille de Beaulieu, ménageait à notre armée de terre, et qui, arrivée au moment décisif, a rempli l’Europe du bruit de ses merveilleux effets ? De longues et patientes études, longtemps méconnues, nous ont valu ce canon rayé dont la portée et la précision ont dépassé les espérances qu’avaient données les épreuves des polygones. Ce qui a été fait pour le canon de campagne ne pourrait-il pas s’appliquer au canon de marine ? Depuis longtemps, les officiers de la flotte s’occupent de cette recherche, et on peut dire que le canon rayé leur est une arme familière. Des essais qui remontent à plusieurs années avaient eu lieu près de Lorient, à la pointe de Grave, avec des résultats satisfaisans : à de très grandes portées, des buts avaient été atteints, et les modèles ayant réussi, on les a multipliés. Ce n’est pourtant là qu’une ébauche et comme une préparation à des résultats plus décisifs. En Angleterre, sir W. Armstrong a eu les honneurs d’un canon où il semble s’être inspiré de celui qui a joué un rôle si brillant dans la campagne d’Italie : des rayures, des ailettes, des culasses à vis constituent le fond de cette invention. Les expériences,