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mixtes avaient été convertis en hôpitaux pour recevoir les blessés le jour de l’engagement. Toute cette flottille légère, bien armée et bardée de fer sur ses flancs, eût forcé des passages réputés inaccessibles, porté la guerre sur des eaux où on ne l’attendait pas, intimidé et dominé la défense par une pluie de feux convergens. Ces dispositions ne laissaient aucun doute sur le dénoûment. Les forts étaient pour ainsi dire à nous, et, maîtres des forts, nous commandions Venise. Jamais preuve plus belle n’eût pu être donnée de l’appui qu’une armée de terre peut recevoir d’une armée de mer qui manœuvre sur ses flancs et la seconde par des démonstrations puissantes. Ce que les campagnes de la Baltique et de la Mer-Noire avaient fait entrevoir à un esprit aussi juste qu’exercé, la campagne de l’Adriatique l’eût confirmé avec une entière évidence.

Comme les canonnières, les batteries flottantes ont un rôle défini et plus limité encore ; elles ne peuvent servir qu’à réduire les ouvrages à terre. Armées de dix-huit canons du gros calibre et revêtues d’une armure en fer battu de 11 à 13 centimètres d’épaisseur, elles passent jusqu’ici pour invulnérables. L’épreuve en a été faite dans la prise de Kinburn, et elle a complètement réussi ; elles en sont sorties intactes. Des doutes se sont pourtant élevés sur l’utilité de ces constructions massives ; elles manquent de qualités nautiques, plongent trop profondément dans l’eau pour être employées dans tous les atterrages, exigent une remorque à la mer, et embarrassent par leur lenteur les mouvemens des flottes. Après quelques années d’épreuve, les Anglais semblent y avoir renoncé ; ils laissent dépérir celles qu’ils avaient construites à notre exemple, et n’en font pas de nouvelles. De notre côté, au lieu de copier les premiers types, on essaie plutôt de les agrandir en cherchant d’autres formes. C’est ce qu’on nomme les frégates cuirassées, dont quatre sont sur le chantier, et porteront quarante ou trente-six canons du gros calibre. Le principe reste le même, celui d’une armure en métal ; il ne s’agit que d’y ajouter de meilleures conditions de marche et une plus grande puissance d’artillerie. Cette tentative est curieuse, et il s’y attache un intérêt très vif. Si les canonnières avec leur faible armement, si les batteries flottantes avec leur marche alourdie ne peuvent pas entrer en ligne dans un combat à la mer, il en serait autrement de frégates défendues par un revêtement en métal. Des bâtimens de cette force, infligeant d’énormes dommages à leurs adversaires sans en recevoir eux-mêmes, amèneraient dans l’art des constructions une nouvelle révolution, et dans la guerre des changemens qu’il n’est pas aisé de prévoir. Il n’y a plus qu’à attendre les essais. Les modèles qui sont sur le chantier ont des proportions qui atteignent presque celles d’un vaisseau, 82 mètres de