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Bracciano à céder la propriété du duché de ce nom. Elle dut cesser d’en prendre le titre pour porter celui de princesse des Ursins, sous lequel elle a pris place dans l’histoire. Les bienfaits du roi étaient assurés d’avance à une noble veuve mariée sous ses auspices, ruinée pour ainsi dire à son service, et dont le palais était devenu la résidence même de son ambassadeur depuis que le prince de Monaco avait remplacé dans ce grand poste le cardinal de Bouillon disgracié. La princesse obtint donc une de ces pensions de cour, patrimoine ordinaire de toutes les grandes familles, et les actives démarches de la maréchale de Noailles, patronne dévouée de sa parente, ne tardèrent pas à en faire doubler le chiffre, lorsque la mort du cardinal Maidalchini eut laissé vacant le subside considérable par lequel ce membre du sacré-collége était secrètement rattaché à la politique de Louis XIV.

Ne se rendant pas un compte exact de l’action purement officieuse exercée dans le monde romain par Mme des Ursins, M. Combes a vu dans un acte de munificence royale, acquis pour ainsi dire de droit à une personne de ce nom, un véritable traitement attaché à des fonctions secrètes. C’est ainsi qu’il qualifie la pension attribuée à la princesse pour prix d’une correspondance diplomatique qu’il suppose avoir été régulière et pour ainsi dire numérotée avec le département des affaires étrangères. Une telle assertion est contredite par les faits. Je crois qu’on n’a jamais produit et qu’on ne produira jamais aucune dépêche politique adressée au marquis de Torcy par Mme des Ursins avant son séjour en Espagne. Les lettres à la maréchale de Noailles, éditées par M. Geffroy, constatent que cette puissante et active protectrice fut l’intermédiaire de la première correspondance engagée par Mme des Ursins avec M. de Torcy comme avec Mme de Maintenon. Si le ministre, qui avait souvent rencontré la spirituelle duchesse de Bracciano durant le séjour de trois années qu’elle fit à Paris avant la mort du duc, séjour que dans le système de M. Combes il faudrait appeler un congé, si, dis-je, M. de Torcy poussa la galanterie jusqu’à se prétendre quelquefois son élève, cette admiration avait été inspirée par des conversations et point du tout par des dépêches, elle s’adressait à la femme du monde et non pas à l’agent secret de son département.

Après avoir attribué des appointemens à la princesse des Ursins, il était naturel que son historien mît du prix à les lui faire gagner. Il expose donc en détail le plan d’une vaste négociation engagée à Rome de 1698 à 1700 pour la succession d’Espagne, et dont le but aurait été d’obtenir d’Innocent XII la sanction religieuse du testament sollicité de Charles II en faveur du duc d’Anjou. Or, en rendant tout hommage à la sincérité de M. Combes, j’ai le devoir de lui rappeler qu’il ne cite, pour appuyer cette assertion, qu’un pamphlet